Une seconde chance

Cole et Priscilla s'étaient couchés tard. Trop tard. Encore une fois. Le café du matin avait à peine suffit à le réveiller et le maintenait tout juste debout. La soirée avait globalement été animée par des tournures de phrases, des agendas alambiqués, des pirouettes administratives, les derniers appels téléphoniques à des heures inappropriées et même une visio avec un des partenaires du parc. Le jeune couple avait passé leurs journées à discuter stratégie d’approche et même de négociation certaines fois. Certains membres du conseil étaient évidemment contre l’idée d’un potentiel retour de sa part. Son intégration n’allait pas être simple étant donné que ses fonctions avaient été plus ou moins allégées et distribuées à une certaine Claire Dearing qui occupaient un nouveau poste fraîchement créé, celui de directrice en chef des opérations. Jeune femme de seulement 30 ans et prometteuse selon les dire de Priscilla, il y avait largement de quoi être intimidé. Cole devrait dans tous les cas se greffer à cette nouvelle administration. Il avait dû également jouer le rôle, à montrer les efforts qu’il avait accompli et partager des regrets qu’il avait ou que parfois il n’avait pas.

Il avait également fallu se rendre à l’hôpital psychiatrique pour récupérer certains documents pour montrer qu’il était apte à travailler et qui prouvait sa volonté d’aller mieux. Il a notamment pu rencontrer à nouveau le psychologue qui le suivait lors de son séjour là-bas et ils ont pu faire le point après plusieurs mois sans lui rendre visite. Une journée dans le vent, certes, et qui ne fut pas une chose aisée que de replonger dans tout cet environnement. Malgré lui, il devait se l’admettre, cela fut plus dur qu’il ne l’avait envisagé. Moralement et physiquement, il lui avait bien fallu cette journée pour se remettre de ses émotions.

Cela avait été aussi 4 jours à écrire et relire des mails pour annoncer son retour aux chefs de sections mais aussi aux membres du siège de manière générale. Ils avaient particulièrement contacté certains partenaires qui appréciaient Cole et/ou Priscilla et qui avaient les moyens financiers et humains de mettre du poids dans la balance en sa faveur. Il n’y avait pas à dire, la jeune femme était difficile en affaires et elle ne se laissait pas faire.

Parmi tous les débâcles de ces derniers jours, ils ont aussi beaucoup discuté. Ils ont parlé d’elle et de lui. De l’Angleterre. De leurs envies, de leurs besoins et de leurs attentes. Mais ils ont aussi discuté de Shaélynn, du projet T, de InGen, de la Chimère et de Biosyn. De ce qui les attend. Mais malgré ça, ils n’ont pas eu le temps de tout se dire.

Ce matin-là, ils ont débriefé et revu ensemble une dernière fois les choses qu’ils devaient faire, qu’ils devaient dire. Ils se sont habillés ensemble, ils ont répété et ont tout vérifié. Ils ont trié et rassemblé tous les papiers. Ceux d’InGen mais aussi ceux de l’hôpital. Ils ont finalement sorti ses affaires des sacs plastiques pour en mettre une bonne partie dans sa valise. Il a pris ses cachets, ses ordonnances et ses prescriptions.

Rien n’a été omis. Tout est millimétré. Ils savent ce qu’ils doivent faire.

Il sait que Shivak lui a dit de faire profil bas mais, s’il doit retourner sur Isla Nublar, il n’a pas le choix et son retour ne peut pas se faire dans le silence absolu ou dans le calme. Véritable capharnaüm administratif, il avait au moins la tranquillité médiatique pour quelques jours. L’importance de son poste n’était pas négligeable et, si tout allait bien, aucune conférence n'aurait lieu. Cela lui laisserait le temps de reprendre ses marques dans ce brassage de formalités, de gérer toute la paperasse qui laisserait des traces de son passage et qui, sans nulle doute, ferait parler. Quoi qu’il en soit, en connaissance de cause, il ne pouvait pas laisser Priscilla toute seule. Il n’y avait pas d’autres solutions, il devait reprendre ses fonctions.

Il est 7h30 quand ils embarquent sur le ferry. La fraîcheur du matin et celle de l’océan qui ne dort jamais donne des frissons. Le fracas des vagues sur le bâteau venait imposer sa volonté de fer. Un constant rappel de sa puissance. Cole, deux mains sur la rambarde, était nerveux et cherchait du regard un quelconque paysage mais l’étendue d’eau s’étalait à perte de vue. Le métal était gelé et mordant au toucher mais il n’en faisait rien. Il pesait tout son poids sur le bord et était perdu dans ses pensées. Une main rassurante vient alors attraper son bras, Priscilla pose sa tête sur son épaule. Elle sentait son inquiétude, elle le comprenait et avait appris à le lire.

« Ca va ? »

Cole passe à son tour une main autour d’elle pour la rapprocher un peu plus contre lui. D’une voix légèrement tremblante, il lui répondit un petit “oui” sincère. Il n’y avait de toute façon pas d’autres options mais la présence de la jeune femme le calmait.

« Ca va bien se passer. Je te le promets. »

Il ne répondit pas et se contentait d'acquiescer avant d’embrasser son front pour la remercier d’essayer de le rassurer.. Il avait beau tenter de se convaincre que tout allait bien se passer, il avait malgré tout un poids sur la poitrine, quelque chose au fond de lui qui le mettait en garde, un pressentiment. Il n’était ni bon ni mauvais. Juste un ressenti qui le préparait aux pires scénarios envisageables. Si son retour dans l’entreprise le tracassait déjà énormément, les échanges avec Shivak le terrifiaient réellement. Les termes qu’il avait employés n'avaient pas été reçus à la légère. Armée, soldats d’élites et autres. Cole ressassait continuellement les événements qu’il avait vécu. Les attentats, les dinosaures, toutes ces fois où il avait échappé à la mort, parfois de justesse, et tous ceux qui n’avaient pas pu en réchapper. Il repensait bien évidemment à Josh.

Comment InGen pouvait être à la fois la meilleure et la pire chose qui lui soit arrivée. C’était un certitude, avec tout ce qu’il avait vécu, il le savait, tout pouvait prendre une tournure catastrophique au moment où on s’y attendait le moins et bien plus rapidement qu'on ne pouvait l’imaginer. Malgré le soleil, Priscilla grelottait dans ses bras. Lui aussi frissonnait mais il ne s’en était même pas rendu compte. Il sortit temporairement de ses pensées pour l’inviter à entrer à l’intérieur. Même en juin à cette heure-ci il faisait frais sur l’océan. Les puissants courants d'air étaient libres de circuler. Pas de gratte-ciel, pas de montagnes ou autres monuments pour stopper sa colère déferlante.

Il fallait approximativement 2h pour effectuer le trajet. Tout était organisé, tout était préparé à l’avance mais Cole restait néanmoins inquiet. Priscilla l’avait prévenu à l’avance qu’il n’allait plus du tout reconnaître le parc, que ça pourrait être un choc. Dans le bon sens du terme. Il était vrai qu’à son départ de nombreuses infrastructures étaient en construction ou en cours d’élaboration. Simon Masrani avait également la folie des grandeurs. Il avait incarné à sa façon l’esprit et le rêve de John Hammond. Il avait aussi un portefeuille tout aussi rempli que celui du fondateur, ce qui aidait clairement à sa réalisation. Ce dernier semblait malgré tout plus pur et plus humain que son homonyme. Hammond avait son lot de bagages et de casseroles derrière lui, c’était plus tellement un secret. Est-ce qu’il fallait le blâmer pour autant ? Comment se faire une réelle idée du personnage quand on ne sait finalement pas grand-chose de lui ? “L’habit ne fait pas le moine” était probablement l’expression qui lui correspondait le mieux. Il n’était clairement pas celui qu’il prétendait être. À travers la fenêtre, on voyait se dessiner lentement mais sûrement une forme qui semblait apparaître de nulle part. Imposante et camouflée dans une épaisse brume, Isla Nublar semblait sortir d’un roman fantastique. Pourtant, elle était là.

À l’approche de l’île, les gens commencent à s’agiter et à sortir, appareils photos en main et des étoiles pleins les yeux. Ils s'émerveillent déjà devant la brumeuse en imaginant les secrets qu’elle renferme. Quelques manœuvres plus tard, le bâteau était à quai et les visiteurs, aussi calmement que possible, sortaient en file indienne. Ils étaient accueillis par plusieurs guides qui les informaient et contrôlaient la bonne arrivée de chacun. Lorsque tout le monde semblait être descendu, deux employés montaient discrètement à bord pour vérifier que c’était bien le cas. Ils profitaient également pour chercher d’éventuels objets perdus. Cole avait l’estomac noué et la gorge serrée. Les souvenirs remontaient à la surface. Un mélange de stress et d’excitation montait en lui à chaque instant qu’il se rapprochait de sa destinée dont il ignorait encore l'essor. Main dans la main, le jeune couple se dirigeait ensemble vers le monorail en empruntant l’accès réservé aux employés. Un wagon en fin de train, plus isolé et plus calme, était toujours mis à disposition pour les salariés.

Si le démarrage du monorail était assez brutal, le vrombissement électrique et le paysage qui défilait à toute allure indiquait que, malgré sa rapidité, sa conduite était assez fluide et souple. Appuyé contre la fenêtre, Cole le prenait pour la première fois mais il était accablé par un air de déjà-vu. Pourtant, tout était différent. Priscilla était à ses côtés et restait elle aussi silencieuse et pensive. Elle ne le montrait pas mais elle devait probablement s’inquiéter et s’interroger quant aux futurs événements. Le jeune couple planait dans le flou. Ils s’étaient globalement contentés des informations qu’ils avaient à disposition et, même si la patience n’était désormais pas tellement leurs forts, ils avaient décidé d’attendre comme l’avait suggéré Shivak. Même si ça lui faisait mal de suivre bêtement les dires de cet homme qu’il n’appréciait guère, il n’avait pas d’autres solutions que de lui faire confiance. Confrontant son reflet, cette nouvelle personne qu’il découvrait encore, Cole retraçait son parcours de ces derniers jours. Il se demandait encore comment les choses avaient pu prendre cette direction. Ces échanges houleux avec Shivak. Des sautes d’humeur, des insultes. Ils avaient failli en venir aux mains mais, finalement, il était là. Aujourd’hui, il était là grâce à lui. Shivak ne lui devait rien mais, indirectement, ils s’étaient tous deux sauvés la vie. Cole lui devait au moins ça. Les ennemis avaient temporairement enterré la hache de guerre. Les “ennemis” coopèrent et font face à une plus grande menace.

Les deux énormes portes, dans un grincement clinquant,  s’ouvrent lentement et le sortent de sa torpeur alors qu’une voix leur annonce la bienvenue. Les gens s’exclament. Si un air de déjà-vu relativement perturbant le scotchait jusqu’à maintenant à son siège, Cole se relève rapidement pour contempler à son tour la magie du Jurassic World. Priscilla sourit immédiatement à sa réaction qui arrive à la hauteur de ce qu’elle avait imaginé. La vue est sidérante et le paysage grandiose. Le cadre est surréaliste. Un délicieux mélange de modernité et de nature se dresse devant lui alors que le monorail survole ce qui semblait être aux premiers abords un grand lac. Il constate alors avec surprise que c’est en réalité un gigantesque bassin. Sa mâchoire lui en tombe presque. Comment InGen a pu réussir à ériger de tels bâtiments, de telles infrastructures en si peu de temps ? Masrani a bel et bien dépensé sans compter et atteignait largement les espérances que John Hammond avait pu avoir le concernant et concernant son rêve. Le centre de la découverte, avec sa forme et sa toiture, fait un bel hommage au Mont Sibo. Priscilla connaît déjà tout de cet endroit et est impatiente de lui faire visiter ce nouveau parc. Elle lui serre la main comme pour lui dire “je t’avais dis” et il se retourne vers elle en lui adressant un sourire qu’il ne contient pas. Bien sûr, ils n’oublient pas leur mission mais il lui est tout simplement impossible de rester de marbre face à cette vision. La boule désagréable au ventre a disparu, au moins pour l’instant, et fait place désormais à l’émerveillement.

La voix annonçait maintenant le prochain arrêt. Ils descendent ensemble du monorail. Tout est organisé et tout est scripté. Ils arrivent sur la plateforme et descendent le long escalier qui les ramènent sur terre. La fascination fait place désormais à la concentration. C’est maintenant que tout allait se jouer. Ils reprennent un air sérieux alors qu’ils sont accueillis immédiatement par des membres du conseil. Une jeune femme aux cheveux de feu que Cole identifie immédiatement comme étant Claire Dearing, elle-même et deux nouveaux costards qu’il ne connaît pas.

« Bienvenue au Jurassic World ! »

Cole adresse son plus beau sourire et les remercie vivement pour leur accueil alors que quelques poignées de mains sont échangées.

« Merci pour votre accueil, j’ai vraiment hâte de travailler avec vous. », dit-il sincèrement.
« Bon retour parmi nous Mr Hudson. », lui dit un des administrateurs.

Son homonyme acquiesce et lui retourne son sourire. Après un bref échange, le jeune couple confirme ensuite leur présence à la réunion qui est prévue le lendemain après-midi. Pour son retour, cette journée a été organisée spécialement à son honneur. Une visite des infrastructures et des différentes sections a été mise en place par Claire et Priscilla.

Tout est calculé. Rien n’a été omis. Ils savent ce qu’ils doivent faire.

Un employé était chargé d’amener ses affaires dans son bungalow. Cole se sentait déjà traité comme un roi. Priscilla l’avait prévenu que Mlle Dearing avait cette faculté là et qu’il ne fallait pas se laisser aller pour autant, que, à son image, elle était plus dure qu’elle n’y paraissait. Elle était notamment en partie à l’origine de l’élaboration d’une nouvelle attraction suite à une enquête de satisfaction. Celle-ci a pu établir que les visiteurs voyaient désormais les dinosaures comme un animal ordinaire. Le Jurassic Park devenu Jurassic World n’était alors plus qu’un vulgaire zoo. Si cette créature génétiquement modifiée n’était pas encore connue du public, celle-ci était déjà partie intégrante des campagnes de publicités. Elle avait été secrètement élaborée en laboratoire et élevée plus loin, au nord du parc. D’après les dires de sa compagne, il y avait à l’origine deux hybrides mais l’une dévora l’autre assez rapidement après leurs naissances. Hormis ces détails, une seule chose était ensuite connue de Priscilla, son nom : Indominus rex. Le reste était, même pour eux, classifié. Ce qui en soi pouvait être alarmant. Ce genre de projets et secrets aurait sans doute suscité la curiosité insatiable du jeune homme s’il n’avait pas d’autres choses en tête beaucoup plus importantes. Il ne pouvait cependant pas s’empêcher d’y songer. À quoi ressemblait cette créature ? Quelles séquences ADN  avaient-elles été utilisées pour lui donner naissance ? Le “rex” dans son nom lui donnait déjà au moins une idée sur son type d’alimentation. Quoi qu’il en soit, qui dit nouvelle attraction dit que cette dernière devait être impressionnante ou devait au moins avoir une ou des spécificités particulières. Que pouvaient-elles être ? Fermant les yeux et tentant de remettre un peu d’ordre dans ses idées, il se mordit volontairement la langue pour reprendre ses esprits. Inutile de divaguer davantage sur cet hybride, il fallait se concentrer sur sa mission.

Le début de la visite débutait de toute évidence dans ce fameux centre de la découverte. Des expositions interactives sur une plateforme centrale donnaient tout de suite un charme et une ambiance très singulière au lieu. Un Mr ADN plus moderne animait des tablettes numériques et donnait quelques anecdotes sur la naissance, l’extinction puis la renaissance des dinosaures du parc. D’autres expositions et films intuitifs expliquaient l’histoire de l’entreprise dont une, largement mise en avant, qui portait intégralement sur John Hammond, père fondateur d’InGen et du projet fou que fut le Jurassic Park. Une statue en or à son effigie trônait sur un piédestal. Cole ne put s’empêcher d’avoir une certaine pensée solennelle pour ce personnage. Un homme difficile à cerner, à la fois bienveillant mais aussi très dur. La visite se poursuivait justement dans le laboratoire de la création Hammond dans lequel on pouvait voir des scientifiques s'atteler derrière des vitres dans des salles qui n'étaient probablement que le sommet de l’iceberg. Des couveuses de dernières générations exposaient sous une lueur rougeâtre des œufs de taille variée. Les visiteurs se bousculaient pour tenter d’avoir la chance d’en voir un éclore, de voir un dinosaure naître. Des écrans affichaient ce qui semblait être les codes génétiques de certaines de ces créatures. En fond, une façade entière était composée d’étagères dans lesquelles reposaient des ambres renfermant chacune un moustique. Les scientifiques, à l’image encore une fois de ce qu’avait imaginé il y a plus de 20 ans John Hammond, étaient mis sur le devant de la scène pour présenter leur travail. C’était à la fois beau et dérangeant que d’imaginer que ces personnes étaient en réalité devenues une attraction aux yeux de millions de visiteurs. Cole écoutait attentivement les explications de Claire qui énumérait quelques chiffres et statistiques des derniers mois. Elle transposait dans ces propos une certaine âme, un certain aura qui rendait la moindre de ces mots fascinants. Le jeune homme comprenait un peu mieux ce que Priscilla lui avait dit à son sujet.

Il était finalement ressorti de ce bâtiment fascinant et, après un léger passage dans l’allée principal durant lequel Claire lui balançait quelques contrats passés récemment avec des nouveaux partenaires, ils traversaient désormais le mini-zoo puis l’arène des Pachycephalosaurus. Cole eut un léger sursaut quand un rugissement provenant du Royaume du Tyrannosaurus se fit entendre par-dessus le brouhaha constant des visiteurs. Priscilla ne put s’empêcher d’envoyer une petite boutade à son compagnon qui, d’un air gêné, se contenta de souligner qu’on avait tendance à oublier leur présence pourtant largement omniprésente. Mlle Dearing présentait ensuite rapidement en pointant du doigt les différents hôtels et l’observatoire qui se trouvaient sur la rive d’en face tandis qu’ils s’avançaient tant bien que mal parmi la foule jusqu’à des tribunes accolées au bassin : le spectacle du Mosasaurus. La directrice l’invitait à s’éloigner un peu du bord tandis qu’une prestation semblait avoir lieu. Sans réellement comprendre ce qui était en train de se passer. Une guide sur une plateforme animait dans un micro une sorte de show. C’est lorsqu’un requin suspendu à un épais fil de fer - et ce qui semblerait être une grue - glissa au-dessus de l’eau à une hauteur impressionnante que Cole comprit réellement de quoi il s’agissait. Un bruit et un fracas, des acclamations de joies et de peur, un frisson inédit. Le jeune homme ne put s’empêcher de mettre temporairement les mains devant son visage pour se protéger alors que de l’eau jaillissait de toute part. Le Mosasaurus était là pile à l’heure et avait fait son entrée. Le jeune homme ne put s’empêcher de ressentir un profond dégoût. Cette bête majestueuse et gigantesque était conditionnée. On la nourrissait à des heures précises. On en avait fait une vulgaire attraction. Pas étonnant que les gens ne soient plus intéressés par les dinosaures et qu”ils soient désormais considérés comme des animaux de notre quotidien. Tout ici était fait pour aller dans ce sens, pour montrer que les dinosaures n’étaient pas juste de gros lézards mais bel et bien des animaux ayant vécus sur notre Terre il y a des milliards d’années. Entre le mini-zoo et ce spectacle, Cole restait perplexe. Le Jurassic World n’avait rien à voir avec ce qu’il avait connu. L’esprit n’était plus tellement le même. Il se demandait aussi l’espace d’un instant si ce Mosasaurus était celui d’Isla Nova ou s’il avait recréé une nouvelle créature. Il gardait cependant cette question pour lui, celle-ci n’étant pas si pertinente que ça pour le moment puisque la visite poursuivait son cours. Il eut cependant une pensée pour l’autre île qui abritait de nombreux souvenirs qu’il conservait bien au fond de son esprit.

Ils s’écartaient désormais légèrement des chemins pour se diriger vers une zone dédiée aux employés où une voiture de service les attendait. La directrice prit le volant et les dirigeait directement vers le sud où on lui présenta tout d’abord le parcours de golf et l’impressionnante forêt de bambous. Claire avait une conduite à la fois souple et brutale. La route de service n’était pas goudronnée et les suspensions subissaient les défauts et nombreuses aspérités que le temps lui faisait subir. Puis ils prirent la direction du QG des paléobotanistes et celle donc du jardin botanique qui se trouvait au même endroit. Cole eut un pincement au cœur et se mordit la lèvre. Priscilla, qui s’était faite discrète jusqu’à maintenant sur la banquette arrière, s’avança et posa une main légère sur son épaule. Le jeune homme inspirait et agrippait son genou qui faisait des soubresauts pour garder son calme. Le lieu ne conservait de toute façon plus aucun souvenir du passé. Après les attentats, le Jurassic Garden fut reconstruit plus au sud de l’île et rebaptisé sous ce nouveau nom. Inutile de se mettre dans ses états mais c’était malgré tout plus fort que lui. Le bâtiment était plus moderne et les installations avaient complètement été retravaillées et désignées. Plus aucun souvenir, certes, ce n’était plus du tout le même lieu. Mais cet endroit ne lui semblait simplement pas avoir d’âme sans la présence de la jeune femme. Il fallait l’avouer, il n’était pas vraiment objectif sur le sujet.

Où était-elle ? Que faisait-elle ? Il prit une nouvelle et grande inspiration. Il ne fallait pas qu’il se laisse emporter par des souvenirs, aussi agréables soient-ils. Ainsi, sur place, ils furent accueillis par quelques employés et la nouvelle cheffe de section, une jeune femme dont le nom ne lui revenait pas du tout. Elle était arrivée en même temps que la nouvelle direction et, sauf erreur de sa part, le poste était resté vacant quelque temps après le départ de Shaélynn. Il y eut bien sur des remplacements temporaires mais il fallut attendre que l’enquête sur la jeune femme soit laissée en suspens pour que la fonction soit à nouveau occupée réellement. Qui disait suspicion disait que la plupart des dossiers traités par l’espionne avaient dû être revus dans leur intégralité et sous la loupe. InGen devait s’assurer que tout était clean, devait savoir si oui ou non elle avait mis en péril l’entreprise par une quelconque manière ou par de quelconque stratagème. Si la jeune femme était portée disparu et recherchée, il n’y avait concrètement aucun chef d’accusation contre elle. Seuls les dires de Shivak le soir des élections l'avaient mis sous les projecteurs. À côté d’elle, cette nouvelle cheffe de section était presque transparente. Cole ne la regardait pas réellement, il la voyait mais seul Shaélynn demeurait. Sans même qu’il ne s’en rende compte, il était resté la majorité de ce temps silencieux et Priscilla lui mit même un petit coup de coude pour le faire revenir sur terre lorsqu’on lui adressa la parole et que des poignées de mains s’imposaient. Il reprit réellement ses esprits qu’une fois remonté dans la voiture et qu’ils s’éloignaient enfin du lieu.

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Plus tard, en début d’après-midi…

Les freins se firent discrètement entendre et les graviers gémissaient lentement sous le poids de la voiture qui venait de s’arrêter. Ils avaient terminé le tour des attractions toutes plus impressionnantes et plus innovantes les unes que les autres. Les gyrosphères, à elles seules, étaient une prouesse technologique qui avait laissé le jeune homme sans voix. Priscilla lui avait bien entendu parler de tout ça mais c’était une chose de les entendre et une autre complètement différente de les vivre. Claire s’arrêta devant le bâtiment et, toujours avec un grand sourire qui semblait néanmoins plus fatigué, elle reprit la visite.

« Et pour finir, voilà la dernière infrastructure du parc, probablement la plus importante, le centre de sécurité. On y retrouve la salle de contrôle, le QG des informaticiens et celui des rangers qui se découpent aujourd’hui en plusieurs services toujours sous les ordres de Vic Hopkins et secondé par Angel Harlowe. »

À ce nom, Cole releva légèrement la tête d'un air intéressé. Lui aussi était déjà exténué par cette visite qui touchait presque à sa fin. Ils n’avaient pas encore mangé et ils étaient invités ensuite à rejoindre un des restaurants étoilés qui avait rejoint le Jurassic World récemment.

Le centre de la sécurité était distribué en plusieurs parties. Une section était dédiée à l’équipe ACU, acronyme qui voulait dire “Army Combat Uniform”. Il s’agissait d’une équipe d’intervention pour protéger les visiteurs contre les dinosaures avec des armes non létales pour conserver bien entendu les assets. Ils avaient notamment à disposition un hélicoptère et des véhicules pour réagir rapidement. Ces derniers travaillaient aujourd’hui en collaboration directe avec les informaticiens qui disposaient d’une salle de serveurs, d’open space et de la salle de contrôle dans laquelle se réalisaient la majorité des opérations. Principalement celles de surveillance et d’intervention. Il y avait d’autres espaces pour les gardes et vigiles du parc dont les actions, elles, étaient davantage centrées sur les visiteurs et dont le plan vigipirate avait renforcé et gonflé grandement les rangs. Des bureaux étaient ensuite aménagés pour l’administration et pour les membres du conseil. C’était notamment là que se trouvaient les bureaux de Claire et, de toute évidence, le sien qu’il partageait désormais avec celui de Priscilla. Il fit alors un petit geste pour s’excuser auprès de la jeune directrice qui l’invitait à entrer dans la pièce et s’éloigna pour serrer des mains. C’était en réalité un prétexte pour se rapprocher de Angel Harlowe qu’il avait repéré du coin de l'œil.

Tout était millimétré. Tout était calculé.

Priscilla connaissait les emplois du temps de la majorité des salariés ici. Angel et son équipe sortait à l’instant d’un briefing d’une salle de réunion, comme elle l’avait prévu. Le timing était même presque trop parfait. Cole s’approcha donc de la ranger avec un grand sourire. Celle-ci semblait exprimer un sentiment partagé entre la surprise et la perplexité. De sa position dans l’entreprise, elle était probablement déjà au courant de son retour mais elle s’attendait peut-être et probablement pas à le voir ici. Quoi qu’il en soit, Cole ne se démontait pas et lui adressait directement la parole.

« Bonjour Angel ! Content de te revoir !, dit-il d’un ton sincèrement enjoué. J’ai encore deux trois choses à faire aujourd’hui pour mon retour mais serais-tu disponible ce soir à 18h ? Passe à mon bureau pour que l’on fasse le point. »

Sur le moment, elle ne semblait pas savoir quoi répondre et se contentait d'acquiescer mais sa main qui se resserrait sur la sienne trahissait son incompréhension. Cole lui adressa un sourire et retourna tranquillement auprès de Claire et de Priscilla. Il s’excusa à nouveau aurprès d’elles avant de pénétrer à l’intérieur de son bureau. La journée allait encore être longue mais ça c’était fait. Cole soupira de soulagement en s’asseyant sur un canapé que Dearing invitait à rejoindre. Des papiers et des closes accompagnés d’un café l’attendaient déjà sur une table basse. La pièce était spacieuse et bien aménagée. Un balcon et une grande fenêtre donnait une vision panoramique et unique sur le parc. La décoration était moderne et les meubles industriels ajoutaient un cachet non négligeable. Les bureaux respectifs du jeune couple se faisaient face l’un à l’autre et, dans un coin, l’espace où ils se trouvaient actuellement, des canapés et une table basse pour recevoir ou se reposer. Encore une chose qui n’avait pas changé dans la passation Hammond-Masrani. Les employés, comme les visiteurs, étaient reçus comme des rois. Cole, stylo en main, eut un instant d’hésitation. Tout ça était pour le moment et malheureusement le cadet de ces soucis. Il appréhendait déjà ses retrouvailles avec Angel et il espérait sincèrement qu’elle lui fasse confiance. Priscilla lui adressa un regard et un clignement des yeux, un geste qui voulait dire “je te vois, je suis là”. Cole posait alors le stylo sur le papier et commençait à signer les documents d’un mouvement symphonique.

5H15

Ring ! Ring ! Ring ! Ring !

La main s’abat sur le réveil. Le bruit disparait et tout redeviens calme. Seul le rugissement de quelques dinosaures du parc ou les chants des oiseaux au réveil traverse les fenêtres ouvertes de la chambre de la jeune Ranger. Pourquoi les fenêtres ouvertes dans un parc de dinosaure en pleine zone tropicale me diriez-vous ? C’est qu’il fait chaud en Amérique Centrale ! Les moustiques étaient le cadet de ses soucis. Elle n’en avait jamais trop vu et de toute façon, Angel faisait partie de ces personnes détestables que les moustiques évitent « parce qu’ils ne doivent pas aimer mon sang » comme dirait d’aucuns. Et les dinosaures ? Angel avait le sommeil léger et toujours à l’affut du moindre bruit suspect se produisant dans son environnement direct. Elle n’hésiterait pas à sortir son arme qu’elle garde à proximité immédiate pour accueillir comme il se doit tout éventuel visiteur indésiré. Depuis les incidents du parc il y a maintenant 2 ans et demi, la jeune femme était obligée d’être armée en permanence pour se sentir pleinement en sécurité.

Les yeux s’ouvrent ! Des étirements à se déboiter l’épaule et la Ranger s’assoit mécaniquement sur le bord de son lit. La routine du matin peut débuter. Les bungalows des employés, positionnés idéalement sur le versant Est du volcan d’Isla Nublar, la vue du matin était toujours prodigieuse. A cette heure, le soleil se levait à peine, un disque rouge sang baignant dans un ciel variant du pourpre au rose bonbon. Les levés de soleil étaient toujours un spectacle qu’Angel ne se lassait jamais d’observer. Pensive et mélancolique. Bientôt trente ans et toujours seule. Personne n’avait osé, jusqu’alors, défoncer la porte de son petit cœur si bien qu’elle craignait de finir sa vie dans la solitude la plus totale. Mais fini de rêver !

Angel s’approcha sa penderie, sorti une brassière de sport et un short près du corps noir. Elle les enfila puis attacha ses cheveux devant la glace de sa salle de douche. La mise en forme pouvait commencer. Dans le salon, la jeune femme débute par une série de pompe suivie de divers exercices de gainages et d’abdos. Les muscles échauffés par cette entrée en matière, la Ranger sorti de son bungalow avant de faire une bonne dizaine de fois le tour du village des employés. Une sécurité optimale commence déjà par la bonne santé physique des employés et c’est un point important qu’Angel prenait à cœur dans son métier.

7H00

Pschiiiiiiiiiiiiiii !

L’eau jaillit du pommeau de douche. De fines gouttelettes viennent caresser la peau de la jeune brune. Une douce chaleur, comme le souffle délicieux d’un amant, glisse dans son cou jusqu’au creux de ses reins. Les mains effleurant la peau, les jambes, longeant les cuisses, détaillent son ventre musclé, le galbe des seins et finissent par regrouper les cheveux. L’eau qui tombe, vient nimber chaque fibre de sa toison, hydrater chaque écaille jusqu’à la pointe. La vapeur commence à envahir le lieu, embuer les vitres, envelopper d’une tiédeur exaltante le corps de la jeune femme. L’odeur enivrante de fleur de monoï émanant du liquide blanchâtre, dans la paume de ses mains, se répandait dans la pièce jusqu’à ses narines, stimulant ses sens olfactifs et déclenchant immédiatement une réaction cutanée témoignant d’un bien-être intense. Les frictions sur les bras provoquent instantanément la production d’une mousse onctueuse. Angel l’étala sur ses bras, son cou, recouvrant sa poitrine et faisant disparaitre l’impact de balle qui avait signé la fin de sa carrière chez les fédéraux. Ses mains continuaient à progresser, appliquant le gel lentement avec une douceur remarquable sur chaque reliefs de ses seins, les moindres petites parcelles de son ventre, le creux de ses reins… Le gel dans les cheveux bruns de la jeune femme moussait abondamment, parfumant durablement cette douce crinière.

Ring ! Ring ! Ring !

Le réveil qu’elle avait programmée sur son téléphone portable la sortie de ses rêveries. Il fallait qu’elle s’active si elle ne souhaitait pas arriver en retard. L’eau chassa rapidement la mousse de la chevelure, rinçait son corps, la débarrassant de la transpiration durement gagné lors de son sport matinal. Elle attrapa la serviette accrochée non loin sur le sèche serviette. La légère différence de chaleur ressentie lors de la sortie de la douche suffit pour déclencher une réaction épidermique. Réaction horripilatrice sur tout le corps, les poils qui se dressent, la peau qui se contracte et les seins qui pointent… La chair de poule en somme. Elle se sécha le plus efficacement possible avant de s’affubler de sa tenue de travail. T-shirt et pantalon noirs très près du corps, chaussures rangers noires. La jeune femme se coiffa très méticuleusement, queue de cheval et épingles au millimètre près. Un maquillage discret mais efficace s’en suivi, petite crème pour l’hydratation de la peau, léger fonds de teint pour masquer les petites imperfections de son visage, contouring, petit trait d’eye-liner accompagné de son léger coup de mascara et pour finir, un petit gloss nude très discret. Elle avait beau paraitre stricte en tout point, elle n’en restait pas moins une femme qui aimait prendre du temps pour elle et se sentir belle. Tout doit être parfait dans son apparence, elle se devait d’être parfaite tous les jours.

Prête pour partir, elle alla chercher son arme qu’elle fixa à sa cuisse puis enfila une veste en cuir avant de partir au travail.

8H30

Le temps de passer prendre un Gingerbread Latte XXL au Starbucks du parc et la Ranger arrivait à son bureau au QG des Informaticiens et des Rangers. Depuis les attentats, la construction du nouveau parc, les deux QGs en plus du pôle gestion administration s’étaient regroupées dans le même bâtiment, probablement pour une question d’efficacité des services.

La matinée ce passa tranquillement entre la rédaction de rapport d’activités, l’épluchage des CV de potentielles nouvelles recrues, la gestion de l’inventaire des fournitures nécessaires au bon fonctionnement de sa section et les vingtaines de signalements de vol à la tire et de disparitions d’enfants. Elle avait d’ailleurs fait plusieurs demandes de renouvellement de chaises de bureaux, des commandes de coussins fessiers, de petits matériels de bureaux pour sa section ainsi que des quelques plantes vertes pour rendre les bureaux plus vivants. Quelques commandes de pistolets et fusils à impulsions électriques ainsi que plusieurs caisses de recharges furent commandée. Ces demandes prendraient probablement plusieurs jours voir plusieurs semaines avant d’être validée par Claire Dearing et réceptionnée sur l’île. Un petit check rapide et une lecture en diagonale de ses mails l’informa que l’autre gérant du parc referait surface sous peu. Claire étant surbooké avec les investisseurs, ses demandes de commandes seraient peut-être traitées en un temps plus convenable cette fois. Bref ! Ce fut un début de journée bien ennuyant en somme. Loin du terrain, loin de la moindre petite activité stimulante.

13H30

La seconde des Rangers entama un briefing sécurité dans une salle de réunion. Une dizaine de chefs d’équipe se tenaient devant elle. Un briefing simple et bref sur les statistiques sécuritaires du parc en premier lieu, suivi d’un second plus technique. Les entraînements en situations réelle étaient importants pour la jeune brune. Aujourd’hui ce serait simple, 2 rangers joueraient des intrus potentiellement équipés d’arme à feu, d’une bombe et en tenue banalisée qui auraient réussi à s’infiltrer dans le parc. Une brève description évasive et à fiabilité relative des cibles, à l’image des informations qu’auraient pu fournir les touristes, fut énoncée par Angel aux différents chefs d’équipes présents.

« …. Messieurs, Mesdames ! L’objectif est simple ! Trouver, neutraliser les intrus et désamorcer la bombe ! On les aurait probablement aperçus aux abords du centre de la découverte et de l’enclos de la T-Rex. Vous devez opérer sans inquiéter ou semer la panique chez les touristes. Aujourd’hui, nous avons environ 20 000 visiteurs au sein du parc, vous avez une heure pour mener à bien votre mission ! Bonne chance ! Rompez ! »

Sans attendre, le personnel se leva et évacua la salle au pas de course. Angel fût la dernière à quitter la pièce, plus tranquillement. Elle suivrait le déroulement de l’exercice de son bureau. A peine venait-elle de fermer la salle et de se retourner qu’un homme s’approchait d’elle. Cheveux mi-longs châtains proprement coiffés, une barbe taillée de prêts et un costume sombre et chic digne des plus grands dirigeant. Un homme souriant d’où semblait se dégager un charisme qui en imposait. Cole Hudson !      

« Bonjour Angel ! Content de te revoir ! J’ai encore deux trois choses à faire aujourd’hui pour mon retour mais serais-tu disponible ce soir à 18h ? Passe à mon bureau pour que l’on fasse le point. »

Surprise, Angel acquiesça au gérant tout en lui serrant, hésitante, la main qu’il lui tendait avant que ce dernier prenne congés auprès de Claire et de son assistante au loin. Que lui voulait-il ? Depuis quand était-il revenu ? Angel devrait vraiment lire plus attentivement ses mails. Comment une information aussi importante que le retour de Cole Hudson avait-elle pu être à ce point occulté ?  

Quoi qu’il en soit, le reste de l’après-midi se déroula sans accros. L’exercice fût couronné de succès ! Comme à son habitude, Angel distribua des félicitations et des encouragements à faire toujours mieux pour les prochains exercices. Puis elle passa le reste de sa journée à imaginer de futurs exercices de sauvetages visiteurs, d’évasion de dinosaures ou encore d’attentats terroristes. Tous genres de projets qui nécessitaient tout de même la signature et l’approbation d’un gérant du parc pour pouvoir être organisée, se dérouler sans accros en présence de visiteurs ou simplement, qui nécessitaient la fermeture temporaire « pour maintenance » d’une attraction.

17H59

Réglée comme une horloge, Angel se trouvait déjà devant la porte du gérant prête à frapper. Elle se devait d’être à l’heure à la seconde près, question de rigueur et d’honneur. Etre à l’heure, c’est déjà être en retard pour la jeune femme.

Toc ! Toc ! Toc !

La jeune femme attendit l’invitation de l’occupant avant d’entrer avec son plus grand sourire.

« Cole Hudson ! Si ce n’est pas une surprise ! dit-elle d’un ton plutôt enjoué. Je suis ravie de te revoir parmi nous ! Tu sembles en forme ! Ça fait combien de temps que tu n’étais plus venu ? Que penses-tu du nouveau parc ? »  

Se rendant compte qu’elle avait par mégarde effacée la jeune femme se trouvant dans le bureau de Cole et adressa un « Madame » strict et des plus respectueux à celle-ci avant de reprendre.

« Tu voulais me voir ? »

Ce repas professionnel fut beaucoup plus long et beaucoup plus barbant que Cole n’aurait pu l’anticiper. Il sortit même du restaurant légèrement pompette, si bien que cette fin d’après-midi lui parut durer une éternité. Ce retour sur Nublar fut globalement exténuant au point où il en avait presque oublié le rendez-vous qu’il avait donné à Angel plus tôt dans la journée.

Après ce déjeuner tardif et étendu, Priscilla et Cole eurent une petite heure de disponible pour rejoindre leur bungalow dans lequel le jeune homme put prendre le temps de ranger ses affaires. Ses valises avaient été prises en charge par un employé à son arrivée et avaient été déposées à l’intérieur. Le logement du gérant n’avait dans son ensemble pas changé. InGen avait modernisé et rénové quelques éléments mais rien de bien flagrant. C’était surtout pour garder aux normes les infrastructures mais rien n’avait justifié la reconstruction des quartiers des employés qui étaient déjà plus que corrects pour y vivre. Ce lieu regorgeait ainsi de souvenirs, d’émotions et de sentiments en tout genre. Des positifs et des négatifs. Cet endroit lui parut donc aux premiers abords austères et lui laissait en travers de la gorge une amertume qu’il n’arrivait pas à digérer. Cole ne savait pas trop comment se situer et il était même un peu déboussolé. Revenir ici après tout ce qu’il s’était passé, tout ce qu’il avait fait et vécu lui paraissait insurmontable. Bien heureusement, la présence de Priscilla lui apportait le calme et la sérénité dont il avait besoin pour compenser et surtout pour ne pas flancher. Elle l’aidait à s’installer et lui jetait des regards de temps à autre, un petit sourire sur les lèvres. Elle l’aidait à plier ses affaires et à les ranger dans le dressing en sifflotant d’un air jovial. Elle était clairement heureuse de son retour et cette joie non seulement se lisait sur son visage mais était en plus contagieuse. Le jeune homme revisitait ainsi cette petite maison avec un regard mitigé, parfois hésitant, parfois excité.

Après le départ de Cole, son bungalow était resté inhabité pendant presque un an puis avait été repris par la jeune femme, ce dernier étant globalement mieux placé et mieux aménagé que le sien de l’époque. Elle avait donc apporté sa propre touche personnelle à cet endroit et il retrouvait même là quelques éléments qu’il reconnaissait de leur propre appartement. C’était à la fois rassurant et réconfortant de voir ce qu’elle en avait fait. Il eut un sourire puis même un petit rire quand il vit une des photos qu’ils avaient prises ensemble et que Cole lui avait offert pour la Saint Valentin.

« Pourquoi tu rigoles ? », fit-elle en arrivant derrière lui.
« Pfff… Rien, j’ai vu le cadre que je t’ai offert et c’est juste que ça m’a paru si loin déjà. »
« Ah d’accord et du coup ça te fait rire ? », dit-elle d’un air moqueur. « Ha Ha ! Trop drôle ! », ajouta-t-elle en prenant une voix faussement grave pour l’imiter.

Cole se tourna vers elle et pencha sa tête en pinçant ses lèvres avec un regard qui voulait dire “vraiment ?”. Il tendait ses bras et ajoutait.

« Viens là au lieu de dire des conneries »

Elle riait de sa propre bêtise et vint finalement se blottir contre lui. Sa présence lui faisait du bien. Cole inspira, il avait besoin de ça.

« Il va bientôt falloir qu’on retourne au bureau. »

Elle avait malheureusement raison et Cole se contenta d'acquiescer. Il n’avait pas totalement fini de ranger ses affaires mais ils pourraient à nouveau le faire ensemble plus tard. Ainsi, après avoir pris le temps de se farder et de se recoiffer, le jeune couple montait ensemble dans le véhicule de fonction qui leur appartenait désormais et qu’ils avaient emprunté un peu plus tôt. Encore une fois, par mesure de sécurité, toutes les voitures du parc nécessitaient maintenant des cartes magnétiques et la présence du téléphone préalablement enregistré dans les ordinateurs. Le tout était notamment surveillé et supervisé par les informaticiens. Il fallait voir la salle de contrôle de ses propres yeux pour y croire mais tout était orchestré pour mettre des bâtons dans les roues du moindre intrus. Tout était fait pour surveiller la moindre trace, le moindre passage de chaque employé, de chaque visiteur.

Il était approximativement 17h00 lorsqu’ils rejoignirent finalement leur bureau où Claire les attendait déjà. Cole avait encore quelques documents à signer et à remplir pour officialiser son retour. Un parmi cette pile ne manqua pas de le faire rire, au moins intérieurement. Un formulaire de déclaration de situations familiales et un contrat de couple pour, premièrement, signaler la nature de sa relation avec Priscilla et, deuxièmement, rédiger une simple clause d’indivisibilité. Cette clause signifiait simplement que les deux contrats de travail étaient désormais juridiquement indivisibles, et donc, qu'en cas de rupture de l'un des deux contrats, l'autre se retrouverait ipso facto résilié. En résumé, InGen avait appris de son passé, de ses erreurs et ne souhaitait plus revivre ce qu’il s’était passé avec Shivak et Emma, Shaélynn et lui-même. Cole eut un petit rictus non dissimulé. Ce n’était pas totalement vrai. Cette clause était en réalité aussi liée à leurs fonctions étroitement proches et liées puisque, effectivement, Priscilla avait été embauchée à l’origine pour être son assistante. Ce qui était dégueulasse et injuste, c’était qu’il y avait aujourd’hui une deuxième directrice et que rien ne justifiait cette clause dans leur situation.

*Toc toc toc*

Cole sursauta et Priscilla croisa son regard également d’un air surpris. Concentré sur ses documents, Cole n’avait pas vu l’heure passée et il était déjà 18h. Angel était réglée comme une horloge et c’était indéniablement en partie pour ça qu’elle était aujourd’hui à la tête du service de sécurité. Une ponctualité effrayante. Elle était carrée, franche et directe. Avec elle, les choses n’avaient jamais aussi filé droit et elle était respectée pour ça. Cole s’éclaircit la gorge et s’aventura un “entrez”. La ranger entrait avec un grand sourire et, d’un ton enjoué, interpellait immédiatement le gérant.

« Cole Hudson ! Si ce n’est pas une surprise ! Je suis ravie de te revoir parmi nous ! Tu sembles en forme ! Ça fait combien de temps que tu n’étais plus venu ? Que penses-tu du nouveau parc ? »

Elle se tourna brièvement vers Priscilla et la salua d’un “madame” solennelle pour finalement reprendre avec Cole.

« Tu voulais me voir ? »

« Angel ! Je te retourne le compliment, tu as l’air radieuse ! Je crois que ça fait un peu plus d’un an et demi maintenant que je ne suis pas revenu et tu n’as pas du tout changé !  »

Cole se levait de sa chaise et posait une main chaleureuse sur l’épaule de la jeune femme pour l’inviter à le suivre.

« Allons sur la terrasse, on sera plus tranquille pour discuter, on ne dérangera pas Priscilla comme ça ! »

Cette dernière, devant le ton ironique de son compagnon, pinça légèrement son nez d’un air qui voulait dire “exagères pas non plus”.

« Tu veux peut-être boire quelque chose ? Un verre d’eau ? Un café ? Un thé ? »

Il attendit la réponse de la ranger et fit un petit regard en direction de Priscilla pour qu’elle s’attèle à la tâche. Dans le dos d’Angel, l’assistante ne put s’empêcher de lui faire les gros yeux alors qu’il profitait un peu trop de sa position à son goût. Cole invita donc ensuite la ranger à s’asseoir dehors. Un espace accueillant avec des sofas et une table basse était aménagé spécialement pour ce genre d’occasion. Le gérant prit immédiatement un ton plus grave et se racla légèrement la gorge en réfléchissant aux mots qu’il allait prononcer.

« Écoutes… Je ne vais pas passer par quatre chemins. Je ne t’ai pas proposé ce rendez-vous juste pour faire le point ou pour parler du bon vieux temps avec toi. Je t’ai menti Angel… »

Et devant l’air ébahi et le froncement de sourcil de la ranger, Cole ajoutait sans plus tarder. Il fallait qu’il rentre tout de suite dans le vif du sujet.

« Le 28 janvier 2013. »

Il savait que la précision était importante pour la jeune femme. Il allait devoir être ferme, honnête et direct avec elle. Ce qu’il fit sans aucune hésitation.

« C’est Shaélynn Moore qui m’a drogué avec une seringue. Elle m’a prise par surprise. Je ne sais pas comment elle s’est procurée ce genre de substances mais elle avait peur pour sa vie, peur de Shivak Garland et c’est pour ça qu’elle s’est enfuie ce soir-là. Shaélynn travaillait pour Biosyn et a été envoyée en mission sur Isla Nublar. Shivak faisait bel et bien partie de la Chimère. »

Cole jaugeait un moment la réaction d’Angel, cela faisait déjà beaucoup d’informations. Priscilla sortit un instant et déposait la boisson chaude sur la table basse devant la jeune femme. Elle posa également un café noir à côté de Cole qui la remerciait. Sa compagne rentrait à nouveau dans le bureau en lui adressant un sourire encourageant. Devant le regard d’incompréhension d’Angel en direction de l’assistante, le gérant respira un instant avant d’ajouter.

« Elle sait. Nous sommes tous les trois ici à tout savoir. Quelques mois après mon départ de Nublar, je me suis lancé dans une enquête pour retrouver Shaélynn que je pense, à juste titre, en danger. Il y a environ une semaine, j’étais à deux doigts de la retrouver mais j’ai échoué. À la place, j’ai…», cette partie était délicate et il hésitait un moment avant de reprendre. « J’ai retrouvé Shivak Garland. Je n’ai jamais cru à sa mort et il faut croire que j’avais raison… Je t’épargne le comment du pourquoi je l’ai retrouvé mais il m’a mis en garde et m’a prévenu à nouveau que les terroristes allaient attaquer l’île prochainement. Il nous avait prévenu que ça arriverait de nouveau. Je ne sais pas quand, je ne sais pas comment mais nos craintes sont confirmées et c’est très sérieux Angel… »

La jeune femme affichait un air grave, toujours les sourcils froncés, elle ne semblait pas comprendre tout ce que Cole lui disait et cela commencait probablement à faire beaucoup. Elle semblait assimiler au fur et à mesure chaque information, boire chaque parole, chaque mot.

« Autre chose… Je sais que ça fait déjà beaucoup et que tu dois avoir l’impression que tout ça sort de nulle part et j’en suis désolé par avance. Il faut que tu me rendes un service, un gros service... Je sais que je ne suis pas forcément en position de faire ce genre de demandes mais il faut que tu me fasses confiance. Je sais qu’avec tout ce que je viens déjà de te dire, tu as peut-être l’impression que je t’ai trahi mais ce n’est pas le cas. Quelque chose se trame, quelque chose de terrible et il va falloir qu’on soit raccord. Je connais tes compétences et je sais que la sécurité du parc est ta priorité numéro une. C’est pourquoi je m’adresse ici à toi et à personne d’autres. J’ai une confiance absolue en toi et j’espère que tu arriveras à me faire confiance après tout ce que je viens de te dire. »

Il prit une nouvelle inspiration et tentait d’observer le moindre geste, le moindre changement chez la jeune femme qui trahissait réellement ce qu’elle ressentait. Sans succès. Celle-ci restait impassible et Cole ne parvenait à rien discerner. Il reprit en expirant d’un souffle presque tremblotant. Tout allait se jouer maintenant.

« Dans les prochains jours, je ne sais pas quand, je ne sais pas comment mais il est possible que Marcos Shannon, Shaélynn Moore et peut-être même Shivak Garland reviennent ensemble ou non sur l’île. Je n’ai aucune information, je ne peux pas t’aider davantage mais j’ai besoin de toi et de ta vigilance. S’il te plaît. Si c’est le cas et qu’ils sont de retour, ne préviens personne d’autres que moi et amènes les à mon bungalow. C’est d’une importance capitale et on ne peut faire confiance à personne d’autre. Il faut que tu me fasses confiance, ils ne sont pas là pour nuire au parc, je te le promets. Ce qui se trame dépasse la simple sécurité du parc et des visiteurs, s’ils échouent dans leur mission, des millions de vie sont possiblement en jeu. »

Cole n’avait pas encore touché à son café et la suppliait désormais presque du regard. Sa demande était à la fois rocambolesque et complètement ahurissante, il en avait conscience. Tout ça ne devait absolument faire aucun sens pour la ranger mais il espérait au plus profond de son être qu’elle l’écoute et accepte simplement sa requête sans poser trop de questions. Des échos de son interrogatoire avec elle en 2013 lui remémorent des instants pour le moins inquiétants pour la suite. Moins elle en savait mieux c’était pour elle et il ne souhaitait pas l’impliquer davantage dans cette histoire. À vrai dire, Shivak lui avait fait suffisamment peur pour qu’il y réfléchisse à deux fois avant de contacter Angel. Malgré tout ce qu’il avait pu imaginer, malgré tous les scénarios qu’il avait envisagé, il avait besoin d’elle. C’était indéniable. Jamais personne ne pourrait s’infiltrer sur cette île sans qu’elle ne le sache. Cette confrontation était inévitable…

« Tu voulais me voir ? »

Cole accueille Angel chaleureusement, osant de poser une main sur son épaule, tel une amie que l’on considère ou que l’on n’a pas revu depuis un certain temps. Il est vrai que depuis le début de leur relation professionnelle, une certaine relation de confiance s’était installée entre nos deux comparses. Quelques verres par-ci, des déjeuners de travail et autres sorties par-là, Angel estimée le gérant et aimait sa compagnie amicale. Une des quelques rares qu’elle avait eu l’occasion de créer au sein de parc. L’île est petite et devrait pousser les personnels à la sympathie, mais comment sympathiser avec ses subalternes tout en restant stricte et efficace ? La ranger ne savait pas y faire et en pâtissait comme une sorte de malade sociale. Elle n’avait pas ce problème avec le gérant avec qui une confiance mutuelle et inébranlable devait exister pour une sécurité et une gestion du parc que même la perfection ne pouvait égaler.  

Seulement depuis qu’il avait quitté le parc, mis à part une petite relation amicale qui naissait avec une jeune stagiaire du parc, Angel n’avait pas réellement réussi à retrouver ce genre de relation. Avec qui d’ailleurs ? Claire Dearing ? C’est peine perdu ! Elle est une bourreau de travail antipathique à la limite de l’obsession et quelques peu méprisante. Cependant on ne pouvait pas lui enlever son organisation maladive et son efficacité, même si Angel s’est déjà demandée si une goutte d’ecstasy dans son café une fois de temps en temps ne pourrait pas la décoincer juste ce qu’il faut. Claire et Angel, ça filait droit ! Mais désormais, maintenant que l’ancien guide revenait sur l’île, ce serait un trio de choc pour le bon fonctionnement de la structure.

La main, donc posée sur son épaule, l’invitait à se diriger vers la terrasse. Un thé commandé à l’assistante et les deux compères s’installèrent dans une sorte de salon d’été. Sofas et table basse avec une vue exceptionnelle sur le parc. Il faut le dire, le poste de gérant procurait quelques petits avantages certes marketing mais tout de même plaisant.

Une fois la jeune femme bien installée bien au fond de son sofa, Cole adopta aussitôt un comportement et un air grave.

« Écoutes… Je ne vais pas passer par quatre chemins. Je ne t’ai pas proposé ce rendez-vous juste pour faire le point ou pour parler du bon vieux temps avec toi. Je t’ai menti Angel… »

Que… quoi ? Qu’est ce qu’il vient de dire ? Angel ne comprenais pas où il voulait en venir. Pourquoi lui aurait-il menti, sur quoi ? La stupéfaction se lisait largement sur le visage de la ranger, si bien que le gérant avait dû s’en apercevoir et enchaîna directement.

« Le 28 janvier 2013. »

Le soir de l’élection du nouveau PDG d’Ingen, la prise en otage et la fuite de Shivak Garland mais surtout l’interrogatoire qu’avait fait subir la jeune femme à Cole…  

« C’est Shaélynn Moore qui m’a drogué avec une seringue. Elle m’a prise par surprise. Je ne sais pas comment elle s’est procurée ce genre de substances mais elle avait peur pour sa vie, peur de Shivak Garland et c’est pour ça qu’elle s’est enfuie ce soir-là. Shaélynn travaillait pour Biosyn et a été envoyée en mission sur Isla Nublar. Shivak faisait bel et bien partie de la Chimère. »

Assimiler les informations, il le fallait ! C’était donc des révélations sur l’enquête qu’elle avait menée. Une sorte de mea culpa de l’ancien guide auprès de son interrogatrice. C’était donc Shaélynn qui l’avait drogué ! Cela expliquait aussi pourquoi il s’était enfui le cul à l’air de l’infirmerie à son réveil. En revanche, ça n’expliquait pas la balle retrouvée dans le bungalow…. A moins que …. ?

Son ex-compagne était donc une espionne pour l’entreprise de génétique concurrente qui n’hésitait pas à mettre de gros moyens dans l’espionnage industriel. Entreprise qui devait redoubler d’originalité et d’inventivité pour infiltrer le parc depuis quelques années avec la restructuration des systèmes de sécurités qui faisaient suites aux attentats. En parlant d’attentats, Shivak Garland lui, était bien un espion de l’organisation de terroristes qui avait causé la mort d’une centaine de personnes dont l’ancien PDG d’Ingen, John Hammond.

Pourquoi ces informations, pourquoi maintenant, sur quoi d’autre lui avait-il menti ? Angel ne comprenait pas. La tasse de thé déposée devant elle et l’air de soutien encourageant de l’assistante au gérant. L’incompréhension. Savait-elle ?

« Elle sait. »  Elle savait donc tous les mensonges que lui révélait Cole !  « Nous sommes tous les trois ici à tout savoir. Quelques mois après mon départ de Nublar, je me suis lancé dans une enquête pour retrouver Shaélynn que je pense, à juste titre, en danger. Il y a environ une semaine, j’étais à deux doigts de la retrouver mais j’ai échoué. À la place, j’ai… J’ai retrouvé Shivak Garland. Je n’ai jamais cru à sa mort et il faut croire que j’avais raison… Je t’épargne le comment du pourquoi je l’ai retrouvé mais il m’a mis en garde et m’a prévenu à nouveau que les terroristes allaient attaquer l’île prochainement. Il nous avait prévenus que ça arriverait de nouveau. Je ne sais pas quand, je ne sais pas comment mais nos craintes sont confirmées et c’est très sérieux Angel… »

Shaélynn… en danger ? Pourquoi ?  C’est à cause de Shivak ? D’ailleurs il a fait quoi ?! Il a retrouvé l’espion. ELLE LE SAVAIT ! Il était encore en vie ! On n’avait jamais retrouvé son corps, juste une chemise ensanglanté ! Elle n’avait jamais vraiment cru à la mort de ce protagoniste. Mais l’ancien guide, LUI, Il lui a même parlé ! Pourquoi ? Il ne voulait pas sa mort ? Hein ? Confusion…

Angel,  l’expression grave et les sourcils froncés, assimilait du mieux qu’elle pouvait les informations dont une qui retient particulièrement son attention. Les terroristes allaient revenir prochainement. Il y aurait probablement un nouveau combat à mener. Elle ne pouvait pas faire du parc une zone de guerre. Elle devait endiguer la menace, l’empêcher à tout prix de pénétrer à l’intérieur de l’île !

« Autre chose… Je sais que ça fait déjà beaucoup et que tu dois avoir l’impression que tout ça sort de nulle part et j’en suis désolé par avance. Il faut que tu me rendes un service, un gros service... Je sais que je ne suis pas forcément en position de faire ce genre de demandes mais il faut que tu me fasses confiance. » Confiance ?! Mais comment faire confiance à quelqu’un qui délibérément te mens ? « Je sais qu’avec tout ce que je viens déjà de te dire, tu as peut-être l’impression que je t’ai trahi mais ce n’est pas le cas. » Ben voyons, avoir une relation bâtie sur le mensonge, c’est censé être quoi ?...  « Quelque chose se trame, quelque chose de terrible et il va falloir qu’on soit raccord. Je connais tes compétences et je sais que la sécurité du parc est ta priorité numéro une. C’est pourquoi je m’adresse ici à toi et à personne d’autres. J’ai une confiance absolue en toi et j’espère que tu arriveras à me faire confiance après tout ce que je viens de te dire. »

C’est vraiment petit de sa part ! Essayer de l’amadouer ou la convaincre par la flatterie en lui rappelant l’énorme charge de responsabilité que lui incombe la sécurité du parc et de tous ses occupants. Sérieusement, mais dans quelle merde avait-il pu bien se fourrer pour avouer avoir menti à la seconde de la sécurité du parc puis lui demander de l’aider. Ça ressemblait plus à un acte désespéré qu’à autre chose. La jeune femme bouillonnait intérieurement au bord de l’implosion. Elle avait sincèrement envie de lui gueuler à la figure que son comportement avait été des plus irresponsable, qui le mettait lui mais aussi toutes les personnes qui gravitent de prêt ou de loin autour de lui, des dizaines, centaines… NON ! Des milliers de personnes en danger ! Il était trop important au parc pour tout risquer mais apparemment monsieur n’y a pas réfléchi et le parc, ses visiteurs, son personnel, tout le monde était dans une grosse merde ! Et ce serait à qui d’essayer de réparer le pot cassé ? Hein ?! Elle avait envie de gueuler mais la jeune femme restait impassible, ferme et strict dans son comportement. Ses années d’entrainement, garder son sang-froid et ne rien laisser transparaitre, la ranger excellait dans cette discipline. Angel commençait à redouter le service qu’allait lui demander Cole, elle aurait pu tout arrêter là et partir mais elle le laissa tout de même continuer.

« Dans les prochains jours, je ne sais pas quand, je ne sais pas comment mais il est possible que Marcos Shannon, Shaélynn Moore et peut-être même Shivak Garland reviennent ensemble ou non sur l’île. Je n’ai aucune information, je ne peux pas t’aider davantage mais j’ai besoin de toi et de ta vigilance. S’il te plaît. Si c’est le cas et qu’ils sont de retour, ne préviens personne d’autres que moi et amènes les à mon bungalow. C’est d’une importance capitale et on ne peut faire confiance à personne d’autre. Il faut que tu me fasses confiance, ils ne sont pas là pour nuire au parc, je te le promets. Ce qui se trame dépasse la simple sécurité du parc et des visiteurs, s’ils échouent dans leur mission, des millions de vie sont possiblement en jeu. »

Non Colinous chéri, pose cette allumette loin de la bouteille de gaz ! Angel avait l’impression d’avoir affaire à un enfant qui découvrait la puissance du feu ou l’arme de son père pour la première fois… il lui jette une bombe dans les mains au bord de l’explosion et démerde toi pour la désamorcer… et il pensait vraiment qu’Angel allait obéir gentiment et accéder à sa requête, lui et son putain d’air de chien battu…

La ranger sortie de sa pause, portant sa main devant sa bouche et son menton, son regard transperçant son collègue dans une grande inspiration. Son regard déviant sur sa tasse, elle la saisit et se leva en silence, faisant dos à Cole et commença à boire son thé, scrutant le parc prodigieux qui se trouvait devant ses yeux. Elle avait besoin de réfléchir à ce qu’il venait de lui dire.

Il était certain que Shaélynn Moore et Shivak Garland, deux espions, un terroriste potentiel, reviendraient sur l’île. Ce n’était qu’une question de temps et elle ne pouvait pas les empêcher d’arriver, juste les intercepter… Eux et le danger qu’ils semblaient représenter. Mais qu’elle était réellement la hauteur du péril auquel ils allaient devoir faire face. Une petite vague ou un véritable tsunami ? Cole était resté assez flou dessus… Mais pourquoi avaient-ils besoin de remettre les pieds sur l’île alors que leur présence serait très probablement détectée, qu’ils allaient forcément être arrêtés le temps d’éclaircir la situation avec eux. Qu’avaient-ils de si important à faire sur l’île pour risquer de se compromettre autant ? Et pourquoi Dieu Marcos Shannon se trouverait avec eux ?Comment un type qui passe son temps à brasser des cailloux pouvait se retrouver lié à ces deux espions ? Dans quelle merde lui aussi s’était-il mit ? Il était aussi un espion d’une entreprise concurrente ? Ingen serait, aurait-elle été aussi pourrie de l’intérieur ? Et Cole, c’est un espion lui aussi ? Une joyeuse bande d’infiltrés aux plus hauts postes à responsabilité du parc ?

Nan ! Aucun risque avec lui… Comment une telle victime de la vie, un type, qui détruit après les attentats et la fuite de sa bonne femme, devenu une loque dépressive au point de finir faire un séjour en unité psy aurait-il bien pu être un espion. Impossible ! Trop de sentiment sont perceptibles à travers lui, trop naïf, trop gentil … forcément une erreur de casting.  Juste un pauv’type qui avait peut-être fait de mauvais choix, suivis de mauvais chemins qui ont fini par le foutre dans la merde. Non mais sérieux, tu me fous quoi là Cole !
Et l’autre potiche qui lui sert d’assistante était au courant de l’affaire. Au courant des mensonges du gérant. C’était quoi son rôle à elle dans tout ça ?

Bien cinq minutes de silence s’écoulèrent, finissant son thé d’une traite Angel se retourna, son regard fusillant la secrétaire instantanément intimidée qui semblait épier la situation de son bureau. Le regard pesant, amplifié par le maquillage noir qui entourait ses yeux, se posèrent sur le gérant. Elle se rassit assurément au fond du sofa, les bras croisés en prenant une grande inspiration. Ma grande, garde ton calme.

« Je récapitule. Tu m’as menti … Tu m’as menti lors de l’interrogatoire que nous avons fait ensemble pour ce qui concerne Shaélynn Moore. Ca explique enfin pourquoi tu étais complètement stone ce soir-là ! Mais te rends-tu comptes de ce que tu me dis ?! Shaélynn Moore, une ESPIONNE ! Une ESPIONNE Cole ! J’ai basé toute mon enquête sur ce que tu m’avais dit à l’époque faute d’avoir pu rencontrer et interroger d’autres personnes et tu me dis que mon travail est en partie à jeter… Une grosse partie de notre relation de confiance est partie de cette soirée et tu me dis que cette relation est basée sur des mensonges …Sur quoi d’autre m’as-tu menti ce soir-là ? Hein Cole ? »

Angel était peut-être un peu trop incisive et moralisatrice dans son ton, mais peu importe, il devait comprendre que ce qu’il venait de faire était grave et blessant… Petit temps de silence, alors qu’il semblait vouloir tenter de répondre quelque chose la jeune femme reprit aussitôt sans lui laisser le temps.

« Et tu penses que je vais acquiescer et accéder gentiment à ton service comme un petit chien à son maitre ? Deux espions dont un potentiel terroriste vont revenir sur l’île et je dois juste les intercepter et te les amener sans prévenir personne dans la chaine de responsabilité ! Deux personnes avec qui arriveront probablement d’autres problèmes potentiellement mortels. C’est gros tu ne trouves pas ?! Et d’ailleurs comment a tu fais pour tomber sur Shivak Garland sérieusement ! Tu lui as parlé et tu lui fais confiance maintenant ? Après qu’il t’ai menacé il y a deux ans en arrière ? Tu me demandes de me compromettre, de risquer la sécurité la sécurité du parc en basant mes actions, ma confiance sur les dires de quelqu’un qui m’a menti … Te rends tu seulement compte de ce que tu me dis, de ce que tu me demandes ? »

Evidement ses questions n’attendaient pas de réponses immédiates, elles étaient surtout là pour le faire réfléchir sur l’absurdité de sa demande. Si bien que lorsqu’il tenta de répondre, elle l’interrompit promptement d’un geste de la main et continua son discours.  

« Et Marcos Shannon ?! Qu’est-ce qu’un type comme lui vient faire dans cette histoire ? Lui aussi c’est un espion ? Ou c’est peut-être juste un type qui a fait des choix et qui s’est embourbé dans une merde dont il ne peut se dépêtrer ? Parce que c’est comme toi, il y a un peu erreur de casting nan ? Sérieusement… Si tu veux que je t’aide, que je marche dans ta combine il faudra plus que ça. Tu sais très bien que la sécurité du parc est ma priorité absolue et que de toute façon ils se feront intercepter mais il faut m’en dire plus et surtout j’aurais des conditions à poser mais avant... Sur quoi d’autre m’as-tu menti ? Pourquoi ils reviennent sur l’ile et pourquoi devraient-ils venir ensemble ? Pourquoi une attaque imminente est à craindre, comme par hasard, juste au moment où ils reviendraient ? De quelle ampleur ? Si tu restes flou autant confier la sécurité à un sourd aveugle ! Le résultat sera le même. Si tu as peur pour quelles raisons que ce soit, rappelle-toi juste que le danger est mon métier, pas le tiens ! Je me suis entrainé toute ma vie et j’ai appris avec les meilleurs. Si tu veux une relation de confiance, je dois tout savoir et j’insiste sur le tout ! Je veux de la franchise, sans détour, sans artifice et je verrais jusqu’où je pourrais t’aider à te sortir de la merde dans laquelle tu sembles t’être mis jusqu’au cou. »

Les bras de nouveaux croisés, le regard pesant sur le gérant, le visage dur et strict, la ranger attendait enfin les répliques de son collègue. Les cartes étaient dans ses mains ! S’il voulait une collaboration de la jeune femme, il devrait la jouer réglo et poser cartes sur table. Angel ne pouvait pas se permettre de jouer sa vie et la vie de milliers de personnes parce que Cole lui demandais un service….

Une fois qu’il eut terminé, Cole sentit instantanément son coeur se raidir. Angel était le genre de personnes capable de transmettre son humeur rien qu’avec sa présence. C’était comme si un poids désagréable s’appuyait sur vous. Une vague électrique ou magnétique qui s’abattait sur vous sans que vous ne puissiez rien faire. Le gérant avait déjà eu affaire à cet aura et il ne présageait rien de bon. Le long silence qui accompagnait cette impression non plus d’ailleurs et Cole commençait à se tasser. La fatigue de la journée se faisait déjà sentir mais ce n’était pas que ça, il se préparait déjà au pire.

La ranger finissait son thé d’une traite et se retourna en fusillant du regard Priscilla qui, sur le pas de la porte, commençait à s’inquiéter de ce silence. Elle disparaissait aussi rapidement qu’elle était arrivée. Cole l’avait mis en garde que toute cette mascarade pourrait dégénérer rapidement et il lui avait sagement demandé de ne pas intervenir si le ton de la conversation venait à monter. Ce qui de toute évidence allait arriver sous peu au vu du regard pesant et noir que la jeune femme posait sur lui. Elle se rassit au fond du sofa en croisant les bras en prenant une inspiration, comme si elle s'apprêtait à attaquer sa proie et la déchiqueter sauvagement. Cole déglutit discrètement. Même s’il s’était préparé à cette situation, Angel n’en restait pas moins intimidante. Elle n’était pourtant pas plus grande que Priscilla ou que Shaélynn mais elle était une femme puissante et qui en imposait. Encore une fois, il n’y avait absolument aucune raison de douter du pourquoi elle avait un tel grade au sein de l’entreprise. Le ton de sa voix sortit immédiatement le gérant de sa torpeur qui éprouvait une certaine forme de crainte mais aussi de l’admiration pour la jeune femme.

« Je récapitule. Tu m’as menti … Tu m’as menti lors de l’interrogatoire que nous avons fait ensemble pour ce qui concerne Shaélynn Moore. Ca explique enfin pourquoi tu étais complètement stone ce soir-là ! Mais te rends-tu comptes de ce que tu me dis ?! Shaélynn Moore, une ESPIONNE ! Une ESPIONNE Cole ! J’ai basé toute mon enquête sur ce que tu m’avais dit à l’époque faute d’avoir pu rencontrer et interroger d’autres personnes et tu me dis que mon travail est en partie à jeter… Une grosse partie de notre relation de confiance est partie de cette soirée et tu me dis que cette relation est basée sur des mensonges …Sur quoi d’autre m’as-tu menti ce soir-là ? Hein Cole ? »

Un nouveau silence s’installait. Cole tentait de garder son calme mais il était déjà en réalité décontenancé. Il baissait légèrement la tête pour faire comprendre à son interlocutrice que tout ça il le savait déjà. Il savait qu’il lui avait menti, il n’en était pas fier. Il s'apprêtait à lui répondre quand elle reprit aussitôt sans lui laisser le temps d’intervenir.

« Et tu penses que je vais acquiescer et accéder gentiment à ton service comme un petit chien à son maître ? Deux espions dont un potentiel terroriste vont revenir sur l’île et je dois juste les intercepter et te les amener sans prévenir personne dans la chaîne de responsabilité ! Deux personnes avec qui arriveront probablement d’autres problèmes potentiellement mortels. C’est gros tu ne trouves pas ?! Et d’ailleurs comment as-tu fait pour tomber sur Shivak Garland sérieusement ! Tu lui as parlé et tu lui fais confiance maintenant ? Après qu’il t’ai menacé il y a deux ans en arrière ? Tu me demandes de me compromettre, de risquer la sécurité la sécurité du parc en basant mes actions, ma confiance sur les dires de quelqu’un qui m’a menti … Te rends tu seulement compte de ce que tu me dis, de ce que tu me demandes ? »

Cole, à nouveau, accusait le coup terriblement mal. Il avait craint que la conversation prenne cette tournure. Il n’avait pas souhaité en arriver là mais Angel le mettait dos au mur, il n’avait pas le choix. Il avait effectivement eu le beau espoir qu’elle accepte et accède gentiment à son service. Mais il savait que cela ne serait pas aussi simple. Il s’apprêtait à nouveau à lui répondre quand elle l’interrompit d’un geste de la main qui le força à déglutir. Elle continuait toujours aussi promptement..

« Et Marcos Shannon ?! Qu’est-ce qu’un type comme lui vient faire dans cette histoire ? Lui aussi c’est un espion ? Ou c’est peut-être juste un type qui a fait des choix et qui s’est embourbé dans une merde dont il ne peut se dépêtrer ? Parce que c’est comme toi, il y a un peu erreur de casting nan ? Sérieusement… Si tu veux que je t’aide, que je marche dans ta combine il faudra plus que ça. Tu sais très bien que la sécurité du parc est ma priorité absolue et que de toute façon ils se feront intercepter mais il faut m’en dire plus et surtout j’aurais des conditions à poser mais avant... Sur quoi d’autre m’as-tu menti ? Pourquoi ils reviennent sur l'île et pourquoi devraient-ils venir ensemble ? Pourquoi une attaque imminente est à craindre, comme par hasard, juste au moment où ils reviendraient ? De quelle ampleur ? Si tu restes flou autant confier la sécurité à un sourd aveugle ! Le résultat sera le même. Si tu as peur pour quelles raisons que ce soit, rappelle-toi juste que le danger est mon métier, pas le tiens ! Je me suis entraîné toute ma vie et j’ai appris avec les meilleurs. Si tu veux une relation de confiance, je dois tout savoir et j’insiste sur le tout ! Je veux de la franchise, sans détour, sans artifice et je verrais jusqu’où je pourrais t’aider à te sortir de la merde dans laquelle tu sembles t’être mis jusqu’au cou. »

Angel croisait à nouveau les bras, un regard accusateur posé sur le gérant. Puis, encore ce silence. Cole baissait légèrement le regard, conscient de ce que la jeune femme venait de lui dire. Il prit une inspiration et attendit quelques instants, prêt à ce qu’elle lui coupe à nouveau la parole. Il aurait presque souhaité que cela soit le cas. Angel avait grimpé le ton et était plutôt incisive mais elle était ouverte à la discussion, elle lui offrait une porte de sortie. Il fit un signe de la main à Priscilla qui s’était à nouveau approchée pour lui signaler que tout allait bien. Ce qui en soit était faux mais Cole était préparé et s’était paré à cette éventualité. Il savait au fond de lui qu’il avait été quasiment pour lui impossible d’y couper. À partir du moment où il avait envisagé d’intégrer la ranger dans cette combine comme elle l’avait appelé plus tôt, il savait que cela prendrait cette tournure. Gardant son calme du mieux qu’il le pouvait, il prit une longue inspiration et se lança à son tour avec, malgré tout, une certaine assurance.

Il marquait une courte pause et reprit avant qu’elle ne cherche à le couper. Il savait déjà qu’elle aurait des choses à redire mais cela n’avait pas d’importance pour le moment. Il tentait de garder un ton calme et serein pour ne pas flancher devant la ranger. Ses yeux bleus étaient perçants et, même s'il restait le même, il n'était pas difficile de voir que Cole n'était plus aussi faible qu'il fut jadis. Il fit rouler sa langue sur sa gencive et baissait le regard pour réfléchir à la suite. Il constatait par la même occasion qu'il n'avait pas encore touché à son café mais cela pouvait attendre encore un peu.

« J’ai retrouvé la trace de Shaélynn en Angleterre. Je l’ai raté de peu, j’avais deux jours de retard environ. Je ne m’attendais pas du tout à ça mais j’ai retrouvé Shivak à moitié mort, planqué dans une malle. Ils étaient sur place, ensemble, et, à ma grande surprise, travaillaient en équipe depuis quelques jours. Shaélynn cherchait des indices sur sa mère et Shivak, lui, cherchait des infos sur la Chimère. Je ne sais pas tellement ce qu’ils recherchaient précisément mais ils sont allés en Egypte puis en Angleterre, dans le manoir des Moore. Ce dernier est en piteux état alors j’avoue ne pas bien comprendre encore aujourd’hui ce qu’ils y cherchaient. Quoi qu’il en soit, ils se sont fait attaquer par des soldats de K-C qui ont retrouvé leur piste et Shivak a été touché à l’épaule par une balle empoisonnée au cry-poison. Il était lui aussi dans un sale état, à moitié paralysé. Je me suis occupé de lui et…», il marque à nouveau une pause et prend une inspiration d’un souffle saccadé. Il continue avec un soupçon de haine dans sa voix qu’il ne parvient pas à dissimuler pour une personne comme Angel. « Je lui ai sauvé la vie. On a beaucoup discuté, le ton est monté plus d’une fois mais on a fini par trouver un accord. Je n’avais pas le choix que de lui faire confiance. Dans tous les cas, j’avais l’avantage sur lui et je l’ai poussé à bout. Crois moi, je n’y suis pas allé de main morte et, si je ne lui fais pas entièrement confiance, je suis quasiment sûr qu’il m’a dit la vérité. Et si j’ai raison, Shivak Garland sera le cadet de tes soucis s’il revient sur le parc. Il ne me l’a pas dit directement mais il a quitté K-C et je pense qu’il cherche à se venger d’eux. Shivak m’a dit avant que nos chemins se séparent qu’il allait me contacter 5 ou 10 jours plus tard. »

Il esquissa un léger sourire quant à sa prochaine réponse puisqu’il eut à peu près la même réaction qu’elle lorsque Shivak lui avait parlé du paléontologue. Il l’effaçait assez rapidement et reprit la parole avant qu’Angel ne sorte de ses gonds, ce qui, la connaissant, pouvait se faire assez rapidement.

« Je souris parce que j’ai eu la même réaction que toi lorsque Shivak m’a parlé de Marcos Shannon. Je ne comprenais pas pourquoi il me parlait de lui. Il n’est pas un espion et je ne crois pas non plus qu’il soit dans la merde. Je pense qu’il a juste un peu trop fouiné si tu veux mon avis. Et, pour être tout à fait honnête, je n’ai pas toutes les réponses à son propos. Je ne sais pas moi-même ce qu’il vient foutre là. Comme je t’ai dis, je ne comprends pas pourquoi ils reviendraient sur l’île, c’est beaucoup trop risqué pour elle. Et je ne sais ni quand ni comment ils pourraient le faire, je n’ai pas été en contact avec eux. Je sais juste que c’est une éventualité. J’ignore l’ampleur que l’attaque pourrait prendre mais ne vaut-il mieux pas se parer à toutes possibilités ? »

Cole prit désormais un air sévère et froid qui ne lui ressemblait pas. Il regardait Angel avec une intensité qui ne lui ressemblait pas et qu’elle ne connaissait probablement pas chez le jeune homme. Elle lui forçait la main et il ne voulait pas l’impliquer davantage mais il n’avait plus le choix. Il allait devoir entrer dans les détails et parler de choses qu’il ne souhaitait plus revivre.

« Le soir des attentats, en 2013, Josh Solomon avant de mourir m’a fait des révélations. Mais le… choc m’a fait perdre la mémoire et je me suis souvenu de tout ce qu’il m’a dit seulement l’année dernière lorsque j’étais à l'hôpital. Ce qu’il m’a dit… Je sais que tu vas avoir du mal à comprendre et que ça va te paraître fou. Il m’a parlé de quelque chose capable de donner l’immortalité, de ressusciter ou de cloner mais aussi d'empoisonner n’importe quel être vivant sur Terre. Les fondateurs, Hammond, les Moore et Handréas Lucio de Garden sont à l’origine de ce quelque chose qu’ils appellent le projet T. J’ignore ce que ce “T” veut dire. D’après tout le monde, il serait caché ici, sur Nublar. Et cela serait pour ça que la Chimère aurait attaqué l’île en premier lieu il y a deux ans. C’est pour ça que John Hammond aurait été assassiné. C’est par le biais de cette chose que le projet Jurassic Park a vu le jour. Les dinosaures ont été recréé grâce à lui. Je ne sais pas sous quelle forme ce projet T se trouve, j’ignore où il a été caché et j’ignore tout en réalité de cette chose. Shivak m’a décrit une arme dangereuse et qui ne doit pas tomber entre de mauvaises mains. Et Josh m’a également chargé de la détruire, quoi qu’il en coûte. S’il ne m’en avait pas parlé lui aussi, je n’aurais jamais écouté Shivak. Mais comme tu l’as si bien dit, je n’ai pas les épaules pour ça. C’est aussi pour ça que je suis venu demander ton aide. Et ne t’emballe pas, ce n’est pas de la lèche. J’ai bien vu tout ce que tu as fait ici, il n’était pas non plus dans mon intérêt de te cacher la vérité. »

Il respira à nouveau un grand coup avant de reprendre directement. Il savait qu’Angel était une femme de contrôle et il ne cherchait pas non plus à s’emparer de son équilibre. Il savait que tout cela pourrait déstabiliser plus d’une personne, cela faisait beaucoup d’informations en peu de temps. Mais Cole savait aussi que la ranger avait largement la carrure pour encaisser ça. Comment allait-elle réagir à tout ça ? Tout ça ne faisait déjà tellement pas sens pour lui. Il espérait réellement qu’elle garderait l’esprit assez ouvert pour voir l’importance de cette situation et qu’elle ne s’enfermerait pas vers des problématiques plus simplistes. Si elle était une personne réfléchie, elle était aussi têtue et, quand elle avait une idée en tête, pouvait tout aussi bien s’enfermer dans un tunnel et ne voir que ce qu’elle voulait voir. Comme elle avait voulu voir en Cole seulement la fragilité et la détresse alors qu’il lui avait menti droit dans les yeux. Il fronça les sourcils et posa ses mains sur ses jambes d’un air décidé, comme pour signaler qu’il en avait terminé et que la balle était désormais dans son camp.

« Voilà Angel. Tu en sais autant que moi. Je ne suis pas dans la merde. Je prends juste mes responsabilités et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour aider les bonnes personnes. Je fais mon possible pour être à la hauteur du rôle pour lequel j’ai été “casté”. Et je ne pouvais pas rester les bras croisés en sachant tout ça. Tu sais à quel point je déteste Shivak Garland et je suis prêt à mettre de côté mes principes, à faire équipe avec lui pour faire ce qui est juste. Je sais que tu peux avoir des doutes sur tout ça. Tu as le droit de douter, tu as le droit d’être en colère mais cela devrait au moins t'alarmer sur la situation plutôt qu’autre chose. Je ne sais pas quels moyens la Chimère va mettre pour arriver à ses fins mais je sais que, au vue de ce qu’est devenu le parc, cela serait d’une ampleur catastrophique. Et encore pire s’ils mettent la main sur ce projet T. »

Presque las de tout ça, de cette vie usante et sans dessus-dessous qu’il avait depuis qu’il était entré à Ingen, depuis qu’il avait rencontré Shaélynn Moore, il ajoutait finalement pour conclure.

« Je suis désolé de t’avoir menti et je suis désolé de t’impliquer là-dedans. Mais le temps presse, je ne connais plus personne ici et je ne peux faire confiance à personne d’autres qu’à toi pour une telle requête. Si tu ne le fais pas pour me rendre service, fais-le pour tes convictions. Prendrais-tu le risque de mettre la vie de milliers voir de millions de personnes sous prétexte que j’ai trahi ta confiance, Angel ? »

Il connaissait plus ou moins déjà la réponse à cette question. Bien évidemment que non. Elle ne prendrait pas ce risque. Mais il savait aussi que c’était un peu plus complexe que ça, ce pourquoi il avait finalement choisi de la mettre dans la confidence. Il en avait finalement révélé un peu plus qu’il ne l’aurait voulu mais c’était indispensable. Cole lui avait menti et, plus que ça, il avait des antécédents qui ne lui venaient pas en aide : son départ brutal de l’entreprise puis son séjour à l’hôpital. Il se retrouvait alors dans la même situation dans laquelle il se trouvait quelques jours auparavant avec Priscilla. Contraint de tout dire, de dire toute la vérité malgré lui et  sa volonté de tenir à l’écart les personnes qu’il appréciait. Il se voyait au contraire dans l’obligation de les rassembler et de les impliquer dans quelque chose d’une envergure désastreuse… Pourtant, tout tenait à un fil. S’il ne s’était jamais rappelé ce que Josh lui avait dit ce soir-là, il n’aurait jamais écouté ou cru Shivak. Et quelles étaient les probabilités pour que son meilleur ami et son ennemi tiennent le même discours sur ce projet T ?

Incisive, moralisatrice, caustique, tranchante… autant d’adjectifs qui correspondraient à merveille à la façon de communiquer de la jeune femme. Comme à son habitude, elle avait acculée sa proie, piégée, au pied du mur. Elle n’avait d’autre choix que d’avancer, affronter le phénomène aussi dangereux qu’il soit. Angel voyait le gérant baisser légèrement le regard sous le poids accusateur du sien. Elle n’y allait pas de main morte, probablement trop fort mais, le coup se devait d’être marqué. Mentir, puis orchestrer la venue d’individus dangereux… criminels… On ne pouvait pas se permettre de jouer avec la vie de milliers de personnes sur un service sans aucune garantie.

La vie est faite de choix… chaque … décision … parole prononcée, détermine de facto le déroulement des évènements devant se produire. Décider de mentir ou de dire la vérité, tendre la main à une personne dans le besoin ou passer son chemin œillères obligeantes, embrasser son âme sœur au seuil de son paillasson ou la conduire à un avion… autant de croisement astreignant aux dilemmes cornéliens sans importance ou déterminant toute une vie… Certain appellerait ça le destin ! Un destin bien trop capricieux pour certains. Un destin qui nous donne l’illusion de décision prises de notre propre chef mais, si toute l’histoire est déjà écrite… qui est aux commandes ? D’autre le nommerait « libre arbitre » ! Cette capacité à décider par nous-même chaque action avec un contrôle total sur les conséquences, sans hasard, libre du destin en quelque sorte…. Sommes-nous vraiment les maîtres de nos destins ou les figurants d’un facétieux et sadique chieur d’encre ?

D’un signe de la main du gérant, la secrétaire qui s’était doucement rapprochée du seuil de la terrasse disparaissait de nouveau au sein du bâtiment. Une grande inspiration, probablement pour se donner tout le courage nécessaire, et le jeune homme entama son discours.

« Je suis désolé et je ne peux pas revenir sur les erreurs que j’ai commises mais je peux toujours essayer d’en réparer certaines. J’étais aveuglé par mes sentiments et je ne réalisais pas à cette époque à quel point cela pouvait être grave et impacter autant ton travail. Notre relation de confiance ne dépend pas uniquement de cette soirée et tu le sais bien. Je ne cherche pas à me trouver des excuses mais mes intentions n’ont jamais été mauvaises et pour tout le reste j’ai toujours été sincère. Je pense que ça aussi tu le sais.»

Il n’avait pas totalement tort, Angel avait peut-être un peu trop dramatisé sur la fragilité des fondations de leur amitié, probablement pour le faire réagir, lui faire dire que ça comptait, que c’était leur relation était vraie. D’ailleurs, une certaine assurance se dégagée de sa voix, une espèce de sérénité et de plénitude, loin du petit Cole Hudson qu’elle avait confronté deux ans plus tôt. Il en avait fait du chemin pour ne plus s’écraser, résister aux offensives verbales de la ranger.  Une maturité appréciée qui démontrée tout du moins que le gérant avait probablement préparé son discours, il croyait en ce qu’il vendait et ça pouvait faire toute la différence entre un discours de petite victime ou celui d’un véritable leader.  

La voie de la rédemption était donc initiée. Faire de bonnes actions pour racheter les mauvaises, un choix audacieux pour le gérant. Les sentiments l’avaient peut-être amené à mentir, à falsifier la vérité, le déroulement des évènements mais il allait tout de même devoir répondre aux interrogations de la jeune femme. Il n’y couperait pas…

Petite pause, petit passage de langue le long de ses dents comme pour réfléchir à la suite de son discours et l’homme reprit son monologue.

« J’ai retrouvé la trace de Shaélynn en Angleterre. Je l’ai raté de peu, j’avais deux jours de retard environ. Je ne m’attendais pas du tout à ça mais j’ai retrouvé Shivak à moitié mort, planqué dans une malle. Ils étaient sur place, ensemble, et, à ma grande surprise, travaillaient en équipe depuis quelques jours. Shaélynn cherchait des indices sur sa mère et Shivak, lui, cherchait des infos sur la Chimère. Je ne sais pas tellement ce qu’ils recherchaient précisément mais ils sont allés en Egypte puis en Angleterre, dans le manoir des Moore. Ce dernier est en piteux état alors j’avoue ne pas bien comprendre encore aujourd’hui ce qu’ils y cherchaient. Quoi qu’il en soit, ils se sont fait attaquer par des soldats de K-C qui ont retrouvé leur piste et Shivak a été touché à l’épaule par une balle empoisonnée au cry-poison. Il était lui aussi dans un sale état, à moitié paralysé. Je me suis occupé de lui et…»

Les fugitifs avaient l’air d’avoir bien voyagés depuis le début de leur cavale. Une quête qui les avaient fait se rendre au sein d’un des quelques berceaux de l’humanité, ces civilisations millénaires, majestueuses et respectées de l’antiquité puis d’une civilisation bien plus moderne et respectée à travers son immense empire colonial et ses tasses de thés. Quête qui les mènera probablement, d’après des dires de son compagnon, à un débarquement sur Isla Nublar et suivi de près par une armée privée qui semblait les suivaient de près. La mort les rencontrerait-elle au croisement des chemins ?...  

Le cry-poison ? C’est quoi encore que cette invention ? Des balles empoisonnées, paralysantes ? C’est autorisé ça par les résolutions des Nations Unies ? Une nouvelle arme peu conventionnelle et illégale ?

Son discours, propre et clair se teinta légèrement de haine à la reprise après sa courte pause. Il ne semblait définitivement pas aimer Shivak.

« Je lui ai sauvé la vie. On a beaucoup discuté, le ton est monté plus d’une fois mais on a fini par trouver un accord. Je n’avais pas le choix que de lui faire confiance. Dans tous les cas, j’avais l’avantage sur lui et je l’ai poussé à bout. Crois-moi, je n’y suis pas allé de main morte et, si je ne lui fais pas entièrement confiance, je suis quasiment sûr qu’il m’a dit la vérité. Et si j’ai raison, Shivak Garland sera le cadet de tes soucis s’il revient sur le parc. Il ne me l’a pas dit directement mais il a quitté K-C et je pense qu’il cherche à se venger d’eux. Shivak m’a dit avant que nos chemins se séparent qu’il allait me contacter 5 ou 10 jours plus tard. »

Shivak ? Y’a pas un problème ?! C’est une blague ? Où est la caméra ?... Ce type est un problème à lui tout seul ! Angel avait la moutarde qui commençait à lui monter au nez et elle mourrait d’envie de lui répondre mais sa pause fut de trop courte durée… Cole reprenait déjà avec un petit sourire déstabilisant, désinvolte, au vu de la gravité de la discussion.

« Je souris parce que j’ai eu la même réaction que toi lorsque Shivak m’a parlé de Marcos Shannon. Je ne comprenais pas pourquoi il me parlait de lui. Il n’est pas un espion et je ne crois pas non plus qu’il soit dans la merde. Je pense qu’il a juste un peu trop fouiné si tu veux mon avis. Et, pour être tout à fait honnête, je n’ai pas toutes les réponses à son propos. Je ne sais pas moi-même ce qu’il vient foutre là. Comme je t’ai dis, je ne comprends pas pourquoi ils reviendraient sur l’île, c’est beaucoup trop risqué pour elle. Et je ne sais ni quand ni comment ils pourraient le faire, je n’ai pas été en contact avec eux. Je sais juste que c’est une éventualité. J’ignore l’ampleur que l’attaque pourrait prendre mais ne vaut-il mieux pas se parer à toutes possibilités ? »

Une petite fouine, ça me parait bien adéquat pour qualifier le jeune paléontologue. Mais savait-il seulement dans quoi il était tombé ? D’ailleurs Angel n’en savait pour le moment pas grand-chose bien que ça avait l’air énorme ! Et se pensait-il en capacité d’en ressortir vivant. La vraie vie, ce n’est pas comme dans les films, on n’a pas plusieurs vies à dépenser pour les besoins du scénario. Quand c’est fini, c’est Game Over ! Kaputchki !

Angel ne doutait aucunement des compétences intellectuelles du chef des paléontologistes mais savait-il seulement se servir d’une arme ? De ce qu’elle avait lu de son dossier personnel, il était français et malgré leur tempérament râleur et révolutionnaire, ils n’étaient pas réputés pour leur maniement des armes à feu … Encore quelqu’un à devoir protéger malgré lui ?

Comment pourraient-ils revenir sur l’île, il n’y a pas trente-six mille façon de procéder. Ce n’est pas ça qui inquiètera la ranger. Mais en effet, si une invasion est prévue, il faut réfléchir à toutes les possibilités.

Cole reprit avec beaucoup plus de sérieux, comme pour annoncer des faits plutôt graves, ce qui amplifia l’intérêt à la conversation de la jeune femme.

« Le soir des attentats, en 2013, Josh Solomon avant de mourir m’a fait des révélations. Mais le… choc m’a fait perdre la mémoire et je me suis souvenu de tout ce qu’il m’a dit seulement l’année dernière lorsque j’étais à l'hôpital. Ce qu’il m’a dit… Je sais que tu vas avoir du mal à comprendre et que ça va te paraître fou. Il m’a parlé de quelque chose capable de donner l’immortalité, de ressusciter ou de cloner mais aussi d'empoisonner n’importe quel être vivant sur Terre. Les fondateurs, Hammond, les Moore et Handréas Lucio de Garden sont à l’origine de ce quelque chose qu’ils appellent le projet T. J’ignore ce que ce “T” veut dire. D’après tout le monde, il serait caché ici, sur Nublar. Et cela serait pour ça que la Chimère aurait attaqué l’île en premier lieu il y a deux ans. C’est pour ça que John Hammond aurait été assassiné. C’est par le biais de cette chose que le projet Jurassic Park a vu le jour. Les dinosaures ont été recréé grâce à lui. Je ne sais pas sous quelle forme ce projet T se trouve, j’ignore où il a été caché et j’ignore tout en réalité de cette chose. Shivak m’a décrit une arme dangereuse et qui ne doit pas tomber entre de mauvaises mains. Et Josh m’a également chargé de la détruire, quoi qu’il en coûte. S’il ne m’en avait pas parlé lui aussi, je n’aurais jamais écouté Shivak. Mais comme tu l’as si bien dit, je n’ai pas les épaules pour ça. C’est aussi pour ça que je suis venu demander ton aide. Et ne t’emballe pas, ce n’est pas de la lèche. J’ai bien vu tout ce que tu as fait ici, il n’était pas non plus dans mon intérêt de te cacher la vérité. »

Josh Salomon ! Un des Gardien de l’île d’Isla Nublar, bien avant l’apparition des chefs de sections, de ce qui lui semblait. Elle avait vu circuler son nom dans certains anciens rapports notamment dans celui de la nuit des attentats. Cet homme qui était mort dans une sorte d’explosion suicide cette fameuse nuit d’après les rapports. C’est ce secret qui l’aurait condamné à la mort ? Il lui aurait parlé d’une sorte de fontaine de jouvence pouvant être salvatrice mais aussi provoquer l’apocalypse ? Le projet T ! Le fameux, celui que tout le monde semblait convoiter au risque de semer mort et destruction sur son passage pour l’acquérir… Mais pourquoi vouloir à tout prix le détruire s’il pouvait être si bénéfique ? Des questions commençaient à fuser dans l’esprit de la cheffe des rangers …


« Voilà Angel. Tu en sais autant que moi. Je ne suis pas dans la merde. Je prends juste mes responsabilités et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour aider les bonnes personnes. Je fais mon possible pour être à la hauteur du rôle pour lequel j’ai été “casté”. Et je ne pouvais pas rester les bras croisés en sachant tout ça. Tu sais à quel point je déteste Shivak Garland et je suis prêt à mettre de côté mes principes, à faire équipe avec lui pour faire ce qui est juste. Je sais que tu peux avoir des doutes sur tout ça. Tu as le droit de douter, tu as le droit d’être en colère mais cela devrait au moins t'alarmer sur la situation plutôt qu’autre chose. Je ne sais pas quels moyens la Chimère va mettre pour arriver à ses fins mais je sais que, au vue de ce qu’est devenu le parc, cela serait d’une ampleur catastrophique. Et encore pire s’ils mettent la main sur ce projet T. Je suis désolé de t’avoir menti et je suis désolé de t’impliquer là-dedans. Mais le temps presse, je ne connais plus personne ici et je ne peux faire confiance à personne d’autres qu’à toi pour une telle requête. Si tu ne le fais pas pour me rendre service, fais-le pour tes convictions. Prendrais-tu le risque de mettre la vie de milliers voir de millions de personnes sous prétexte que j’ai trahi ta confiance, Angel ? »

Agacée par cette question rhétorique, la ranger rétorqua du tac au tac :

« Je devrais te faire arrêter pour complicité d’espionnage et obstruction sur une enquête en cours ! »

Angel en savait plus désormais sur les tenants de cette affaire. Un projet T salvateur curare, dangereux ou au moins suffisamment important pour que des personnes meurent pour lui. Une équipe improvisée d’espions, de terroristes et d’anonymes lambda avec pour mission sa destruction… Une armée à la recherche de ce quelque chose…. Qui se rapproche … baignée de son aura mortifère. Puis Isla Nublar, qui contiendrait cette chose que tout le monde cherche… avec comme rempart un gérant de parc expiré et des rangers ignorants.

La jeune femme se leva, tenant sa tête de sa main droite comme pour tenter de diminuer un mal de crâne ou la pénibilité d’une conversation. Elle souffla doucement mais tout de même de manière suffisamment audible pour le gérant :

« Bien sûr que je ne risquerais jamais la vie de milliers de personnes, tu le sais très bien Cole … »

Cela lui pèserait vraiment trop sur la conscience. Elle avait beau être une femme inébranlable en façade, il n’en restait pas moins qu’une mort civile provoquée par son inaction la pousserait à l’exil volontaire, à la recherche de la rédemption et du pardon.

Il était venu le temps des négociations. Tout en se déplaçant sur la terrasse, le regard dans le vide elle commença à énumérer ses conditions sur un ton assez autoritaire.  

« Il est hors de question qu’ils puissent se déplacer librement sur l’île Cole ! Je veux pouvoir avoir connaissance de leur moindre fait et geste et je veux tout connaitre d’eux ! Leur marque de déo, le nom de leur caniche et même leur parfum de glace préférée ! S’ils éternuent quelque part, je veux savoir qui les mouches ! Question de sécurité Cole ! »

Angel s’arrêta, cherchant du regard une réaction du jeune homme.

« Je suis complètement d'accord avec toi Angel, de ce côté on est sur la même longueur d'onde »

Regardant Cole dans les yeux elle reprit avec autant d’assurance…

«  Bien ! Pas d’armes non plus, je ne veux pas d’affrontement sur l’île. Ils devront faire avec les moyens du bord et leur matière grise, s’ils en n’ont ne serait-ce qu’un petit peu … »

Une grimace, un pincement de bec se dessina sur le visage du gérant comme pour témoigner d’une contrariété.

« Je te laisse gérer la sécurité, je gérerais le reste »

La chef des Ranger prit cette phrase comme une sorte de carte blanche. Du moment que c’était pour la sécurité du parc et de ses occupants, de tous ses occupants, c’était accordé ! A la bonne heure !

Non pour lui déplaire, la ranger avait l’impression de mener les négociations, de maîtriser la conversation d’une main de fer. Ils venaient sur l’île, ok ! Mais c’était selon ses conditions ! Et ça Cole semblait l’avoir plutôt bien intégré.

Un coup d’œil lancé vers l’intérieur et Angel put constater que la secrétaire les épiait de son bureau. D’un geste de la main, la jeune femme l’invita à se joindre à la conversation. Un regard vers le gérant comme pour état des lieux. Un geste de Cole comme pour affirmer que tout allait bien et d’un pas empressé elle atteignit la terrasse et gagna la place sur le canapé, aux côtés de son conjoint, qu’Angel l’invitait à investir. D’un air stressé, quoique probablement un peu impressionnée par la posture d’Angel, Priscilla se tenait droite dans le fond du canapé, jambes serrées et alerte à la moindre parole que la ranger prononcerait.

« Mademoiselle Kensington, Cole m’a informé que vous êtes au courant pour l’affaire qui se jouera les prochains jours sur le parc et j’imagine que vous êtes une pièce importante de l’échiquier pour en être… » Acquiescement d’approbation de la jeune femme « Marcos Shannon, Shaélynn Moore et … Shivak Garland rentrerons sur l’île ! Mais comment voulez-vous opérer ? Il faut que vous sachiez que le parc a gagné en systèmes de sécurité et diverses procédures depuis les derniers attentats. Un fichier de personnes recherchées est associé au système de reconnaissance faciale des caméras du parc. Comme ils aiment si bien le rappeler, ils ont dépensé sans compter sur Nublar. Tout ça pour vous dire que Shivak est déjà dans ce logiciel et je vais également y ajouter Shaélynn. Je n’avais pas raison évidente d’ajouter Mademoiselle Moore après l’enquête que j’ai faite mais là, une espionne, je n’ai pas le choix … désolé Cole … » dit-elle avec tout de même un brin de compassion dans la voix. « Je serais prévenu directement sur mon portable s’ils se font repérer par une caméra par une alerte… et ce ne sera qu’une question de temps au vu du nombre de caméras présentent sur l’île…» affirma-t-elle, en montrant son portable à bout de bras avant de reprendre. « Toute la section ne sera pas prévenue mais au moins les hauts responsables chez les rangers ce qui inclut donc notre cher Hopkins qui pourra également donner l’alerte ! » La jeune femme fit une brève pause, passant ses doigts sur sa bouche avant de reprendre. « Je vais également faire monter le niveau d’alerte au maximum, ce qui implique une fouille et un passage aux rayon-x pour tous les bagages, un portique anti-métaux déjà en place et une palpation de chaque visiteur qui sonnera à l’embarquement du ferry. Il vaut mieux s’y préparer dès le continent. Les bagages sont déjà directement acheminés dans les chambres des clients par les équipes du Jurassic World pour leur faire gagner du temps lors de la visite mais on peut invoquer une crainte d’un nouvel attentat pour instaurer un contrôle des sacs à dos sur les quais en aval de l’embarquement dans le monorail. Je pense que ça ne serait pas trop mal accepté par les visiteurs, surtout si l’on peut leur offrir un petit quelque chose pour le désagrément. » Finissant avec un petit clin d’œil à destination du gérant du parc et son assistante.

« Alors vous voulez procéder comment ? On les arrête, on les surveille de loin ? Mais surtout, quelque chose que je ne comprend pas... Pourquoi devrait-on détruire quelque chose qui pourrait sauver de la mort des millions de personnes si utilisé à des fins salvatrices... Je vous écoute… » Lança-t-elle à ses deux compères. S’ils l’ont fait venir ici c’est qu’ils avaient probablement déjà quelques idées à proposer ?  

Visiblement agacé, Angel rétorquait immédiatement.

« Je devrais te faire arrêter pour complicité d’espionnage et obstruction sur une enquête en cours ! »

La jeune femme se leva en soufflant un air de désapprobation. Cole y était peut-être allé un peu fort avec elle. Probablement trop fort mais le coup se devait d’être marqué. Il fallait qu’elle comprenne que toute cette histoire dépassait largement le moindre problème, le moindre petit larcin ou autres broutilles pour lesquelles elle s’attelait quotidiennement. Le gérant voyait plus loin, ce n’était pas simplement les visiteurs et les employés du parc qui étaient en danger. Il n’en considérait pas moins son métier, bien loin de là et bien sûr qu’il ne pouvait pas lui dire ça. Elle ne pourrait pas comprendre, pas comme ça. Il ne lui dirait jamais parce qu’il ne le pensait pas. La vérité était tout autre.

En réalité, lui-même était encore une fois complètement dépassé par ces événements et par ce nouveau monde auquel il n’appartenait pas. Des espions, des soldats d’élites, rien que l’idée même d’une arme à feu. Tout ça était beaucoup trop pour lui. Le pire dans tout ça, c’était que c’était Shivak qui l’avait mise en garde et qu’il était aussi responsable de son aversion pour les armes. Ironique. Ce n’était pas ce pourquoi il avait signé en premier lieu.

Cole devait cependant faire front. Il se devait de garder la tête haute et de rester fort, humble et stable. Si ce n’était pas pour lui, c’était au moins pour les autres. Le jeune homme expirait lentement ; l’utilisation du conditionnel présent suffisait à le rassurer dans le fait qu’elle ne le ferait pas même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait. S’il n’avait toujours pas la tête plaquée au sol avec les bracelets aux poignets, c’est qu’il avait réussi au moins à atteindre Angel et qu’il pouvait y avoir de l’espoir pour la suite.

« Bien sûr que je ne risquerais jamais la vie de milliers de personnes, tu le sais très bien Cole … »

Oui, il le savait bien et c’était bien pour ça qu’il avait désamorcé la discussion avec cette question rhétorique qui semblait presque désarçonner la ranger. C’était peut-être plus sa mesquinerie et les mensonges qui la rendait hostile et presque instable d’une certaine façon. En effet, comme un lion en cage, elle se mit alors à se déplacer sur la terrasse, le regard fuyant en énumérant des conditions à la va-vite d’un ton faussement autoritaire. Cole le savait, Angel avait besoin de ce contrôle et il allait bien évidemment le lui laisser. Cependant, il savait par avance que cela ne serait pas aussi simple. Elle n’était pas du genre à donner sa confiance à la légère et Cole l’avait d’une certaine manière brisé. Il lui serait difficile de la récupérer et il le savait déjà, rien ne serait simple dans cette opération.

Oui, qu’elle ne le veuille ou non, l’étau sur Angel se resserrait. Même s’il regrettait déjà son geste, elle était désormais impliquée et elle ne pourrait plus faire machine arrière.




Il jetait un regard discrètement en direction de son bureau. Cole s’était imposé à Priscilla comme il s’était imposé quelques années plus tôt à Shaélynn. Et aujourd’hui encore, il imposait un choix à Angel qu’elle ne pourrait pas refuser. Un choix qui n’en était pas vraiment un. Plus qu’un choix,  Cole venait indirectement de lui faire du chantage. “Tu préfères m’arrêter ou laisser mourir des gens ?” Ni plus ni moins.

Comme une gangrène qui se propage, Josh avait commencé quelque chose que Cole était bien déterminé à terminer. Mais à quel prix ? Shivak ne faisait finalement partie que du décors et d’une certaine façon le gérant avait juste continué la propagation. Combien de personnes allait-il encore contaminer ?

Le jeune homme déglutit et décrochait son regard quelques instants à cette pensée. Il ne savait pas s’il réussirait un jour à se pardonner les dernières décisions qu’il avait prises récemment. Il profitait de l’amour que Priscilla avait pour lui, il profitait de la confiance que Angel avait en lui. D’une certaine façon, il n’avait fait que de mentir et manipuler. Qu’est-ce qui le rendait légitime ? Qu’est-ce qui le rendait meilleur que Shaélynn ? Qu’est-ce qui le rendait juste dans tout ça ? En quoi ces actions, même pour la meilleure des causes, étaient justifiables ?

Au même titre que Shaé, Cole s’était donné une mission et il n’avait plus qu’un seul but en tête. Ce n’était pas comme s’il n’avait rien à perdre, bien au contraire, mais l’enjeu lui semblait juste trop grand.

Justifiait-il réellement de mettre en danger la vie de celle qu’il aime et d’une femme qui se contentait au final de faire son boulot ? Pourquoi faisait-il tout ça ? Pourquoi est-ce qu’il ne se barrait pas le plus loin possible, à l’abri de tout ça ?

Il avait déjà donné cette réponse, deux ans auparavant. Cole entendait un coup de feu, il accourait… C’était comme ça.

« Il est hors de question qu’ils puissent se déplacer librement sur l’île Cole ! »

Cole était sceptique. En réalité, il ignorait même s’ils allaient vraiment venir sur l’île. Dans l’hypothèse fumeuse où on pouvait croire un seul mot de Shivak Garland, quand bien même ça arriverait, il ignorait tout de leur plan d’opération, de leurs objectifs et de leur volonté.

Où ? Quand ? Comment ?

Tout ce qu’il savait réellement c’était le “Qui” et le “Quoi”. Et encore… Le “quoi” restait extrêmement vague. Le projet T et la mère de Shaélynn. Shaélynn, elle-même et Marcos. C’était aussi maigre que ça, c’était les seuls éléments concrets qu’il avait à disposition et ils étaient à prendre avec des pincettes.

D’après les recherches qu’il avait effectuées, Mary Moore était une jeune femme brillante qui avait malheureusement connu une fin tragique lors d’un incident sur un site de fouille en Égypte. Là où sa fille et son… Shivak s’étaient retrouvés alors qu’elle se trouvait sur la trace de ladite disparue. Celle-ci travaillait essentiellement sur les modifications génétiques sous toutes ses formes et avait tout de même un bagage de références dans le domaine assez long pour donner le vertige à un inculte du sujet comme Cole. La question qui lui restait malgré tout en tête était toute simple : est-ce que le projet T et la mère de Shaélynn étaient liés ? Si oui, était-elle impliquée dans sa création ou sa découverte d’une quelconque façon ? Et, même si la question semblait désastreuse : pourquoi n’était-elle pas réellement morte ? Avait-elle simulé sa mort ? Pourquoi ? Pour quelles raisons ?

Pour ce qui était du projet T, toujours d’après Shivak, il s’agirait d’une “relique scientifique d’une valeur inestimable capable de changer la face du monde.” Rien que ça. Et dont l’accès nécessiterait des clés… “La seule information que je peux te donner”, lui avait-il dit. Super… Comment Cole avait-il pu se contenter de ça ? Mais pouvait-il vraiment se blâmer maintenant qu’il n’était pas tendu, stressé et énervé par Shivak, le type qui aurait pu le tuer dans son sommeil mais qui ne l’a pas fait pour “on-se-sait-quelle-raison” ?

Alors pourquoi Cole faisait tout ça ?

Parce qu’un gars avec qui il avait un passif lui avait demandé ? Parce que sous ces airs de scepticisme, le gérant gardait une âme d’optimiste invétérée ? Pour se changer les esprits lorsque son addiction à son apogée frappait son foie visiblement en manque ? Parce qu’il avait finalement accepté qu’il y ait des choses plus grandes qui pouvaient se tramer et qu’il se devait de faire quelque chose pour y remédier ? Que le seul battement d’aile d’un papillon pouvait changer le cours des choses ?

C’était plus fort que lui, c’était obsessionnel. Cole avait entendu un coup de feu. Il fonçait tête baissée sans savoir dans quoi il mettait réellement les pieds. Seulement, aujourd’hui, c’était différent. Le coup de feu n’avait encore été tiré et il était encore possible de l’anticiper. C’était peut-être ça finalement qui le motivait et qui le rendait aussi déterminé. C’était peut-être ça qui le poussait à prendre des décisions drastiques et regrettables.


« Je veux pouvoir avoir connaissance de leur moindre fait et geste et je veux tout connaître d’eux ! Leur marque de déo, le nom de leur caniche et même leur parfum de glace préférée ! S’ils éternuent quelque part, je veux savoir qui les mouches ! Question de sécurité Cole ! »

Angel s’arrêtait soudainement et cherchait du regard le jeune homme distrait qui le lui rendit surtout pour ne pas la contrarier. Voyant son air insistant, il se contentait alors de lui répondre de la manière la plus calme et neutre possible pour qu’elle puisse continuer sur sa lancée.

« Je suis complètement d'accord avec toi Angel, de ce côté on est sur la même longueur d'onde. »

Évidemment qu’ils étaient sur la même longueur d’onde et de toute façon il n’allait pas lui dire le contraire. Ce n’était pas un mensonge en soi. Dans l’hypothèse où ils étaient réellement amenés à revenir sur Isla Nublar - ce en quoi Cole croyait le moins finalement - lui aussi voulait garder un œil sur eux. C’était dans leurs intérêts de le faire. Le gérant appuyait son regard et acquieçait vivement pour faire comprendre à Angel qu’il était d’accord. Satisfaite, elle reprenait ainsi sur ce même ton inquisiteur.

«  Bien ! Pas d’armes non plus, je ne veux pas d’affrontement sur l’île. Ils devront faire avec les moyens du bord et leur matière grise, s’ils en n’ont ne serait-ce qu’un petit peu … »

Il fit une grimace qu’il ne parvint pas à dissimuler et, dans sa contrariété, pinçait ses lèvres en faisant une moue. La pique était déjà de trop en somme mais ce que lui demandait la ranger était invraisemblable et ne dépendait en aucun cas de lui. Affrontement ou pas, il ne serait pas en mesure de contrôler quoi que ce soit si tout partait à vau-l’eau. Il ne savait pas ce qu’espérait Angel mais, effectivement, ça le contrariait.

Cole avait cette désagréable impression de revivre les attentats de 2013 avec toutes les accusations et les reproches qu’on avait pas pu lui faire. En quoi pouvait-il être responsable des actions d’autres personnes ? Que ce soit elle qui lui fasse un coup bas pareil, ça le contrariait.

C’était une chose de retirer les potentielles armes que Marcos et Shaélynn pourraient être amenées à avoir sur eux. Cela en était une autre d’espérer que la Chimère, autres mercenaires, soldats d’élites, des tueurs sanguinaires ne soient pas équipés en conséquences. Le passé montrait que ces hommes étaient prêts à tout et le présent prouvait que c’était toujours d’actualité. Ça, ça le contrariait.

Rien n’était simple dans cette histoire. Même s’il n’était pas encore convaincu que tout allait se produire réellement, Cole se voyait mal les laisser se balader cul-nu dans la jungle. Sauf si deux ans de cavale l’avait complètement changé, Shaélynn n’était pas une énervée de la gâchette. Tout portait à croire que John Hammond était la première et, en croisant mentalement les doigts, il pensait : “la seule personne qu’elle n’ait jamais tué”. Cole avait en tout cas envie de le croire. Quant à Marcos, il n’imaginait pas une seule seconde que ce dernier ne soit autre chose qu’un paléontologue têtu et buté. D’un air résigné, Cole esquivait alors discrètement ce point en répondant d’un ton désormais presque détaché.

« Je te laisse gérer la sécurité, je gérerais le reste. »

Angel, un air satisfaite sur le visage, se tournait alors vers l’intérieur et Cole suivait machinalement son regard d’un air surpris.

“Merde”, pensait-il.

Priscilla semblait effectivement épier discrètement la conversation et cela n’était pas passé inaperçu aux yeux perçants de la ranger. Cette dernière balançait alors une main las et autoritaire dans sa direction pour l’inviter à les rejoindre. Sa compagne tentait tout d'abord de détourner le regard comme pour feindre son innocence mais tirait finalement une moue résignée devant l’insistance de Mme Harlowe. Elle jetait d’abord un coup d'œil en direction de Cole, comme pour vérifier la température de l’eau avant d’entrer dans la piscine. Ce dernier acquiescait d’un clignement des yeux pour la rassurer et l’inviter lui aussi à le rejoindre.

D’un pas rapide mais hésitant, elle obéissait finalement et s’asseyait à côté de lui sur le canapé. Priscilla ne lui avait donc pas menti lorsqu’elle lui disait que la cheffe des rangers l’intimidait. À sa posture et à son souffle, il était assez évident que cette dernière s’en apercevrait également. L’assistante se tenait droite, appuyée au fond du dossier, les jambes serrées et une main sur la cuisse pour contenir son stress.

« Mademoiselle Kensington, Cole m’a informé que vous êtes au courant pour l’affaire qui se jouera les prochains jours sur le parc et j’imagine que vous êtes une pièce importante de l’échiquier pour en être… »

Priscilla acquiesça brièvement, se demandant sûrement où Angel voulait en venir.

« Marcos Shannon, Shaélynn Moore et … Shivak Garland rentrerons sur l’île ! »

“Probablement”, tempéra Cole intérieurement.

« Mais comment voulez-vous opérer ? Il faut que vous sachiez que le parc a gagné en systèmes de sécurité et diverses procédures depuis les derniers attentats. Un fichier de personnes recherchées est associé au système de reconnaissance faciale des caméras du parc. Comme ils aiment si bien le rappeler, ils ont dépensé sans compter sur Nublar. Tout ça pour vous dire que Shivak est déjà dans ce logiciel et je vais également y ajouter Shaélynn. Je n’avais pas raison évidente d’ajouter Mademoiselle Moore après l’enquête que j’ai faite mais là, une espionne, je n’ai pas le choix … désolé Cole … »

Il y avait des choses plus importantes que ça et Cole préférerait qu’elle attende la fin de toute cette histoire avant de faire ce genre de procédures. En vérité, les craintes du gérant étaient plus profondes. Qui sait où se trouvaient les pions de la Chimère actuellement ? Qui sait qui ou quoi ils surveillaient réellement ? Voir apparaître le nom de Shaélynn Moore du jour au lendemain dans la base de fichiers pourrait paraître suspect et déclencher une potentielle action de leur part. Cole partait du postulat qu’ils ne pourraient faire confiance à personne pour le moment.

« Je serais prévenu directement sur mon portable s’ils se font repérer par une caméra par une alerte… et ce ne sera qu’une question de temps au vu du nombre de caméras présentent sur l’île…», fit-elle en montrant son portable. « Toute la section ne sera pas prévenue mais au moins les hauts responsables chez les rangers ce qui inclut donc notre cher Hopkins qui pourra également donner l’alerte ! »

Nouvelle grimace. Ce n’était pas du tout l’approche qu’il aurait souhaité mais la jeune femme en pleine réflexion reprenait sans préter attention à ses réactions. Mais elle l’avait perdu lorsqu’elle avait cité les hauts responsables et ce “Hopkins” qu’il ne connaissait même pas.

Pouvait-on se permettre de révéler autant d’informations à autant de personnes ? Pouvait-on même les mettre en alerte sans les prévenir de ce qui se tramait réellement ?

Non, ce n’était pas envisageable. Il fallait que le moins de personnes possibles soient dans la confidence, il fallait rester flou et faire agir dans le brouillard le peu d’agents dans la boucle de ce cercle intime. Il ne fallait pas alarmer qui que ce soit. Si la Chimère suivait l’activité du Jurassic World et qu’elle voyait tous ces débâcles, “elle” allait se douter de quelque chose.




Malgré lui, Cole déglutit et blêmit légèrement tandis que la ranger continuait dans sa lancée. Avait-il fait le bon choix en s’adressant à Angel ? Et est-ce qu’il n’était pas trop tard pour regretter cette décision ? Comment allait-il réussir à la convaincre qu’il fallait faire profil bas ? Comment allait-il lui expliquer que la menace pourrait venir de l’intérieur ? Comment pourrait-il lui faire comprendre qu’il n’avait absolument aucune idée de l’ampleur de cette menace et qu’ils ne seraient pas en mesure de l’évaluer avant que celle-ci ne se présente à eux ? Kimeria Chimestry avait toujours agi dans l’ombre et sur une île tropicale comme Isla Nublar, entre les infrastructures et l’immense canopée qui s’étendait sur des kilomètres, ce n’était pas ça qui manquait.

« Alors vous voulez procéder comment ? On les arrête, on les surveille de loin ? », interpellait Angel.

Cole s’apprétait à lui répondre tout en reprenant ses esprits mais elle poursuivait, bien décidé à obtenir des réponses.

« Mais surtout, quelque chose que je ne comprends pas... Pourquoi devrait-on détruire quelque chose qui pourrait sauver de la mort des millions de personnes si utilisé à des fins salvatrices... Je vous écoute… »

Angel, d’un léger mouvement de tête, concluait finalement sur un des points cruciaux de toute cette histoire. Non loin, le rugissement du Tyrannosaure brisait soudainement le silence qui s’était installé et fit sursauter le gérant dont le regard s’était immédiatement tourné vers le parc. Il avait clairement perdu cette étrange habitude qu’était de côtoyer des dinosaures au quotidien. Le cri déchirant venait doucement se perdre dans les montagnes alentour, faisant s’envoler une flopée d’oiseaux qui nichait dans les arbres. Alors, sans plus aucune foule à cette heure-ci pour acclamer la bête féroce dans son royaume, on voyait d’ici l’ombre se mouvoir lentement et tirer enfin sa révérence après une journée comme une autre. Au milieu des bruissements des feuilles et de cette brise légère du soir, on pouvait presque entendre par instant dans l’allée principale une petite voix qui annonçait dans plusieurs langues la bienvenue au Jurassic World. Cet endroit semblait toujours empli d’une certaine magie malgré tout ce qui s’y était déjà passé. La vue peignait un décor à couper le souffle, surréaliste. C’était le mot qui venait à l’esprit quand on voyait l’ampleur de ce qu’était désormais ce parc. Cole ne put s’empêcher de se demander ce que John Hammond penserait de ce qu'était devenu son rêve. Sans doute serait-il partagé entre le dégoût et la fierté. L’entreprise était effectivement devenue très corporate avec des sponsors et des partenaires à ne plus savoir où donner de la tête. Sans oublier l’armée d’avocats qui suivaient InGen pour couvrir le moindre problème, la moindre écharde ou piqûre de moustique susceptible de causer du tort à la société. Quand on savait l’aversion que ce dernier avait pour eux, l’ironie était à son comble. En contrepartie, des dinosaures authentiques, plusieurs milliers de visiteurs chaque année et de toute classe sociale pour un prix tout aussi abordable qu’un week-end à DisneyLand. C’était tout ce dont ce vieux fou avait rêvé. Il était le maître d'œuvre, le chef d’orchestre de ce paysage unique et atypique. Le parc aurait-il connu une telle prospérité sans la mort de son créateur ? Avait-il l’ambition que cela devienne quelque chose d’aussi grand et réputé ? Ou bien était-il parfaitement conscient des risques que cela pourrait encourir d’avoir autant de personnes à proximité du projet T ? Peu importait pour le moment, ce qui était fait était fait. Les choses sont ce qu’elles sont et elles seront ce qu’elles seront. Le gérant prit une profonde inspiration et jeta alors un regard vers sa compagne avec un léger sourire pour l’inviter finalement à répondre. Après tout, c’était ce qu’ils avaient convenu ensemble et c’était avant toute chose son idée…

Elle le savait, tout pouvait se terminer maintenant et, d’une certaine manière, tout reposait sur cet entretien. Priscilla était bien placée pour connaître les enjeux de ce genre de réunion à l’apparence pourtant simpliste et détendue. Mais cette fois-ci c’était différent. Il avait beau dire qu’il ne fallait pas qu’elle s'inquiète, c’était plus fort qu’elle. Elle n’aimait pas faire la plante verte et rester les bras croisés derrière son bureau. Le sujet lui-même était déjà assez stressant comme ça et y ajouter le cocktail explosif qu’était la cheffe des rangers la mettait sur un fil tendu. Oui, elle ne tenait pas en place et c’était plus fort qu’elle : il fallait qu’elle entende cette discussion et qu’elle s’assure que tout se passe bien. Puisque, en effet, tout pouvait tourner au vinaigre d’un instant à l’autre et au vu de l’agitation, son compagnon était vraisemblablement entré dans le vif du sujet. Connaissant un minimum Mme Harlowe et pour ce que Cole avait fait, elle était capable ici-même de le coffrer sur cette terrasse. Et…

« Je devrais te faire arrêter pour complicité d’espionnage et obstruction sur une enquête en cours ! »

Le ton d’Angel avait été suffisamment fort pour que Priscilla l’entende et, à ces mots, elle s’était levée d’un bond avec un hoquet étranglé. Le timing était étrangement adéquat. Elle avait déjà eu à faire aux sautes d’humeurs de la ranger, elle avait déjà assisté aux colères et aux caprices de cette femme. Il fallait aussi dire qu’elle était réputée pour ça et c’était probablement une des qualités qui lui avait valu d’obtenir son poste actuel. C’était tout de même peu anodin de voir une femme à celui-ci mais Angel Harlowe n’était pas une simple femme bourrue avec de la poigne. Sous ces airs de rustre, elle gardait une certaine féminité surprenante, surtout la première fois qu’on l’entendait hurler dans le couloir sur un pauvre type qui avait eu le malheur de faire une connerie. Quoi qu’il en soit, Angel l’avait toujours pris pour une vulgaire secrétaire, ni plus ni moins. Elle ne lui avait jamais prêté attention plus que ça sauf pour demander des fournitures, de nouvelles chaises ou encore pour gueuler sur la direction quand quelque chose lui déplaisait.

Priscilla avait eu beau prévenir Cole qu’elle ne l’appréciait pas particulièrement, qu’elle était impulsive et qu’elle la mettait mal à l’aise, il était passé outre. Il s’était voulu au contraire rassurant et bienveillant. “Tout va bien se passer”, lui avait-il dit. “C’est une bonne personne”, lui avait-il dit. “Elle saura entendre raison”, lui avait-il dit. Voilà où ça l’avait mené. Il aurait mieux fait d’écouter Cissi. À faire confiance à n’importe qui…

Sous le coup de l’adrénaline, l’assistante retournait rapidement vers son bureau et ouvrit son tiroir d’un air hésitant. Allait-elle vraiment faire ça ? Et après ? C’était quoi le plan ? Elle jetait de nouveau un regard en direction de la terrasse mais la conversation semblait déjà tout de suite plus apaisée. Angel tournait désormais en rond en déblatérant probablement un discours réprobateur à l’encontre du gérant au vu de son agitation. Priscilla ne l’entendait pas mais elle savait que ce n’était pas le moment d’intervenir d’une quelconque manière. De toute façon, elle ne se voyait pas taser la cheffe des rangers… Elle ne se voyait pas taser quelqu’un tout court. Elle n’était même pas sûre de savoir comment marchait vraiment cet appareil, même si sa fonctionnalité paraissait plutôt basique.

Priscilla avait pourtant l’habitude de gérer des situations délicates mais celle-ci n’avait rien à voir. Des budgets, des sponsors, des contributeurs ou des partenariats, rien dans son boulot n’impliquait réellement la vie d’autrui. Enfin, pas vraiment, il n’avait juste jamais été question de vie ou de mort. Tout au plus, elle gérait les repas et l’accueil de quelques personnes pour faire bien voir l’entreprise. Elle faisait parfois un morceau de visite du centre de la découverte et c’est tout. Ce n’était même pas elle qui gérait les quelques gosses qui se perdaient dans le parc. La sécurité, les informaticiens et les guides géraient cette partie et en règle générale c’était des problèmes qui se rétablissaient tout seul. Oui, on pouvait le dire, elle était à cran. Elle refermait son tiroir lentement pour ne pas attirer inutilement l’attention.

« Allez Pris’… Reprends toi…», marmonnait-elle en prenant une inspiration.

Il fallait croire que les moments les plus stressants de sa vie étaient amenés sur un plateau par son compagnon. Peut-être que c’était ça qui l’avait attiré chez lui ? Peut-être qu’il avait finalement cassé la monotonie de sa vie ? Mais peut-être qu’il y aurait eu des moyens plus tranquilles pour le faire… Peu importait finalement, ils étaient ici dans le même bâteau et elle ne comptait pas l’abandonner. “Après tout, elle était prête à taser la cheffe des rangers pour lui”, pensait-elle. Et si ça c’est pas une preuve d’amour…

« Pfff…», soufflait-elle d’un air désespéré.

Elle jetait un nouveau coup d'œil sur la terrasse. C’était décidément plus fort qu’elle. Finalement résignée, elle se levait discrètement et s’approchait à pas de loup un peu plus de la porte. Un craquement du plancher et Angel se tournait soudainement dans sa direction comme une proie ayant surpris son prédateur. Enfin, dans son cas c’était plutôt l’inverse…

« Merde… », fit-elle en tournant la tête pour faire mine qu’elle ne l’avait pas vu.

Mais en vain. Elle était grillée. Elle jetait de nouveau un regard dans sa direction pour la confronter et cette fois-ci Harlowe lui faisait signe de venir. Elle jetait ensuite son regard sur Cole qui lui fit comprendre qu’elle pouvait venir sans risque. Oui, elle comprit tout ça d’un clignement des yeux.

“Bon”, pensait-elle. “Foutu pour foutu…”

Priscilla s’élançait finalement d’un pas rapide et décidé, prête à subir le courroux de la ranger et s’asseyait aux côtés de son chéri sur le canapé.

“Reste calme, détends toi, tout va bien se passer”, pensait-elle.”Elle ne t’a pas fait venir pour t’arrêter, tu n’as rien fait de mal”, se répétait-elle.

Jambes serrées, posture droite, elle tentait du mieux que possible de contenir son stress qui devait probablement se lire sur ses joues rosies. En tout cas, Priscilla avait l’impression qu’on ne voyait que ça sur son visage et, forcément, ça la stressait encore davantage.

« Mademoiselle Kensington, Cole m’a informé que vous êtes au courant pour l’affaire qui se jouera les prochains jours sur le parc et j’imagine que vous êtes une pièce importante de l’échiquier pour en être… »

La jeune femme acquieçait briévement. Elle avait l’impression que sa nuque dégoulinait mais… “Jusque là, tout va bien…”, se dit-elle.

Ainsi, après un dialogue durant lequel Mme Harlowe lui prouvait encore une fois qu’elle était une mania du contrôle, elle terminait finalement par une interpellation ouverte à ses deux interlocuteurs.

« Alors vous voulez procéder comment ? On les arrête, on les surveille de loin ? Mais surtout, quelque chose que je ne comprends pas... Pourquoi devrait-on détruire quelque chose qui pourrait sauver de la mort des millions de personnes si utilisé à des fins salvatrices... Je vous écoute… »

Priscilla entrouvrait la bouche pour parler et se tournait vers Cole mais ce dernier semblait distrait. Le regard vers l’horizon, une ride du lion sur le visage, il avait l’air pensif. Il lui arrivait de temps en temps de faire ça et ça lui donnait un petit air mystérieux qu’elle appréciait chez lui. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander où il partait dans ces moments-là mais elle avait appris à les contempler religieusement. Lorsqu’il revint à lui et se tournait enfin pour la regarder, elle ne pouvait s’empêcher d’esquisser un petit sourire qu’il lui rendit discrètement. En règle générale, elle ne tarissait pas de lui envoyer une petite raillerie après mais la présence de la ranger changeait un peu la donne. Cole lui fit finalement un geste pour l’inviter à répondre au moins à ces premières questions.

“Il avait raison”, pensait-elle en relevant la tête fièrement.

Il était vrai que c’était son idée et il était normal qu’elle s’attribue un peu ce mérite non ? Peut-être qu’elle regagnerait un peu d’estime aux yeux de la ranger dans le même temps. Elle se recoiffait nerveusement en dégageant une mèche tombée devant son visage.

Ainsi, après une petite inspiration pour reprendre un peu confiance en elle, elle se lança dans une longue tirade durant laquelle elle répétait minutieusement le plan qu’elle avait déjà établi quelques jours plus tôt avec Cole. Son idée était simple et efficace. Tout le monde aurait son compte, tout le monde en sortirait satisfait. Au vue des acquiescements et des mouvements de tête de la ranger, celle-ci semblait du même avis. Priscilla eut même droit à un “Oui, ça pourrait marcher” de sa part et elle considérait déjà ça comme une victoire. Elle lui expliquait également la nécessité de faire profil bas et de ne pas révéler d’informations à trop de monde pour le moment.

« Et c’est pourquoi Mme Harlowe, il s’agirait de ne pas révéler ces informations à trop de monde pour le moment. Je suis sûr que Cole sera d’accord avec moi, je pense qu’il faudrait trouver un moyen d’ajouter Mme Moore dans la base de reconnaissance faciale sans pour autant entrer trop d’informations à son sujet. Mais je ne sais pas ce qui est possible de faire ou non… Sous un autre nom par exemple ? »

Elle marquait une pause après son monologue et ajoutait finalement avec un sourire pour signaler qu’elle prenait ce sujet avec des pincettes.

« Aussi, je ne fais personnellement pas confiance à M. Hopkins. Pour être honnête avec vous et je sais que je peux être facilement impressionnable - fit-elle d’un air moqueur - mais il me paraît un peu louche. Je sais que Cole tu n’as pas eu l’occasion de le rencontrer mais je ne pense pas que nous devrions le mettre dans la confidence non plus. Je ne sais pas ce que vous en pensez Mme Harlowe ? »

Cole était resté silencieux jusqu’à maintenant et s'était contenté d'acquiescer lui aussi pour valider ses propos au fur et à mesure qu’elle avançait dans sa dictée. Pour compléter ses paroles, il finit par se décoller légèrement du dossier et conclut d’un air sérieux. À son tour, Priscilla l’écoutait désormais attentivement.

« Et pour répondre à ta question Angel… Cette chose comme tu dis… Ce n’est tout bonnement pas possible, c’est surréaliste… C’est… C’est complètement utopique. », fit-il avec de grands gestes. « Qu’arriverait-il si plus aucune maladie, plus aucun virus, plus rien ne pouvait arrêter l’être humain ? On courrait tout droit à notre perte. Quand bien même, on ne sait même pas sous quelle forme il se trouve. On ne sait pas à quel point ce projet a été développé. »

Il marquait une pause pour jauger les réactions de la ranger avant de reprendre.

« Ce qui est sûr, c’est qu’il ne serait jamais à la disposition du premier venu. Même si les gouvernements trouvent un quelconque accord, ça serait toujours une menace de plus qui plane sur le monde. Comme pour le nucléaire mais à l’échelle planétaire. Cette formule magique, je n’y crois pas une seule seconde. Nous ne sommes pas dans un conte de fées et ce truc pourrait tomber entre de mauvaises mains. C’est probablement pour cette raison que John Hammond l’a caché en premier lieu. »

Priscilla s’était demandé pourquoi il ne l’avait pas détruit directement. Pourquoi garder quelque chose d’aussi de si dangereux et dont l’utilisation semblait aussi instable ? Fut-il trop lâche pour prendre cette décision ?

« De toute façon, pour le moment on ne sait même pas où il se trouve réellement et j’ose espérer qu’on aura quand même le temps d’en débattre plus tard dès qu’on aura mis la main dessus. »

L’anglaise inspirait un instant en levant légèrement les yeux au ciel. Il y avait tant d’imprévus et d’éléments incontrôlable dans cette situation. Comme Cole ou bien à cause de lui - elle n’arrivait pas encore à éclaircir ce point - sa conscience l’empêchait de fermer les yeux sur cette histoire. C’était d’une certaine façon son travail de simplifier les choses compliquées. On lui demandait de faire l’impossible et bien généralement elle le faisait. C’était aussi simple que ça. Est-ce que c’était malvenu de voir cette opération comme un défi à relever ?